La Sierra orientale correspond à toute la région à l'est de la chaîne de montagnes formée par la Sierra Nevada, au fin fond de la Californie. Des plateaux désertiques, des collines rocailleuses, et quelques rares villes... parfois même abandonnées : les ghost towns.
Bref, un furieux air de Far West...
En arrivant du Yosemite par la Tioga Road, la route dégringole en quelques kilomètres de la Tioga Pass, à 3000m d'altitude, jusqu'à la plaine qui marque le début des immenses étendues de la Eastern Sierra.
Et au milieu de cette plaine un vaste lac occupe le paysage : Mono Lake, une étendue d'eau salée assez atypique...
Déjà la densité en sel du lac, sans atteindre celle de la Mer Morte, fait que l'on flotterait sans effort à la surface (il est possible de s'y baigner sans danger mais on n'a pas essayé, l'apparence des berges recouvertes de millions de mouches étant peu ragoûtante).
Ensuite le passé volcanique du coin fait que tout un tas d'éléments chimiques se retrouvent dans l'eau du lac à des concentrations hors norme, et que les (très) rares espèces qui y vivent sont absolument uniques.
Enfin et surtout, des concrétions calcaires sur les rives donnent un paysage extraordinaire...
Ces colonnes sont appelées
tufas et ont été formées par d'anciennes sources chaudes, dont la composition chimique a créé une réaction avec l'eau salée du lac pour donner du calcaire.
Aujourd'hui les sources sont taries et les tufas ne grandissent plus, mais sortent de l'eau au fur et à mesure que le niveau du lac baisse.
A priori c'est au coucher du soleil que le paysage devient réellement spectaculaire (il suffit de rechercher « sunset Mono Lake » sur le net pour s'en convaincre).
On avait encore un peu de route dans le désert pour rejoindre notre point de chute du jour, on n'a pas attendu jusqu'au bout. Mais effectivement les tufas commençaient de virer joliment à l'orange...
Mais pas de frustration pour autant, on a eu droit à des couleurs de première classe sur la petite route entre Mono Lake et Benton.
On ne sait pas combien de voitures l'empruntent chaque jour, mais ça ne doit pas dépasser les doigts d'une main. Vu qu'en une heure de temps on a croisé... personne !
Y a quand même eu une petite hésitation avant de s'engager sur ce trajet (jusqu'à Benton, c'est 80km environ vers l'est à travers le désert) à cause d'une épaisse fumée au loin pile dans la direction à prendre...
Mais on a logiquement pensé que les feux de forêt devaient plutôt être éloignés dans les montagnes, que dans un désert sans arbres. C'est ce qui donne cette atmosphère brumeuse au coucher de soleil.
Benton. 50 habitants. Des vieilles bagnoles rouillées, des baraques branlantes, une pompe à essence d'un autre âge. Un coin perdu, un vrai...
Plus précisément nous sommes à Benton Hot Springs, et c'est cette précision qui fait que l'on est venus se perdre jusqu'ici, aux limites de la Californie et du Nevada.
Sur un blog de voyage lu avant le départ (c'est notre principale source d'infos avant chaque périple, bien davantage que les guides où l'on ne trouve pas ce genre de plan hors des sentiers battus, ou alors qui n'est plus aussi génial parce que mis sur le devant de la scène) on était tombés sur la guesthouse atypique qui constitue le seul hébergement du village mais également à des dizaines de kilomètres à la ronde.
Rien que l'entrée sur la propriété annonce la couleur !
Il y a quelques chambres dans la maison principale, mais surtout pour nous en camping-car il y a tout autour des emplacements de camping... avec chacun son bassin privatif, alimenté par les sources chaudes du lieu !
Chaque emplacement, il y en a une dizaine, a son propre style de bassin (pour plus d'infos et les voir tous en photo, la guesthouse-camping a un site internet, lien à retrouver comme d'hab à la fin de l'article) et tous sont très éloignés les uns des autres avec en plus des haies d'arbustes qui masquent la vue entre eux.
D'ailleurs il est officiellement permis de se baigner à poil, mais pour le blog on a pris quelques photos en maillot de bain...
Un sacré bonheur de rester le cul posé dans le bassin à 40°C (en fait l'eau sort à 60°C, mais heureusement refroidit un peu ensuite à l'air libre) à la nuit tombée, en buvant des bières californiennes, avec des saucisses qui frétillent sur le feu, le tout en plein désert !
Parce que bon le lendemain matin au réveil, on peut pas dire qu'il y ait foule dans le secteur...
Il faut quand même préciser que ce n'est pas gratuit, 50 ou 60 dollars la nuit suivant l'emplacement (quelques-uns sont plus spartiates que les autres).
Mais franchement ça les vaut largement, ainsi que le détour éventuel pour venir jusqu'à Benton.
Pour info, les
hot tubs privatifs qui n'ont pas été pris par des campeurs sont dispos la journée (et il y a aussi d'autres bassins partagés à côté de la maison) à un tarif horaire de quelques dollars.
Alors, convaincus ?
Le coin est quand même un peu connu par les Californiens adeptes du
soaking, donc il vaut mieux choisir et réserver un emplacement à l'avance...
Alors en fait il y a quand même quelques voisins à proximité mais ils sont discrets, et pour cause...
Le cimetière de Benton se trouve juste au-dessus sur la colline.
On se retrouve en plein album de Lucky Luke !
Difficile de quitter Benton et surtout de sortir de notre bain chaud privé... Mais la température extérieure dans le désert grimpe en flèche dès le milieu de matinée, et la fournaise extérieure nous pousse à reprendre la route.
Et puis on a repéré d'autres sources chaudes sur la carte, les Grover Hot Springs, un peu au sud de Lake Tahoe vers où l'on se dirige pour la suite en revenant vers les sommets de la High Sierra...
En remontant l'US 395 vers le nord, juste après être repassés sur les rives du Mono Lake, il y a une vallée assez planquée qui s'enfonce vers l'ouest entre les montagnes : Lundy Canyon.
Une petite route d'une dizaine de kilomètres mène jusqu'à un lac, puis se transforme en piste et enfin en sentier de randonnée réputé localement (que contrairement à tous nos principes, on n'a pas pris le temps de parcourir).
Tout le long de cette petite route se trouvent des super spots de pique-nique, sous les pins et au bord de la rivière ou du lac, bien plus sympa qu'un arrêt dans la plaine poussiéreuse et sans ombre.
Autre étape sur la route en direction de Lake Tahoe, la
ghost town de Bodie.
Là c'est du bon détour, Bodie se situe à l'écart vers l'est à au moins 30 minutes de l'embranchement avec la route principale, la partie finale étant une piste complètement défoncée et truffée de pierres assassines sur plusieurs kilomètres.
Les pneus s'en sont sortis sains et saufs, mais le camping-car a pris sa dose de poussière à l'extérieur comme à l'intérieur, et un rétroviseur s'est même décroché.
Ce qui a nécessité une réparation de fortune (il aurait été kamikaze de conduire un camping-car de cette taille sans voir ce qui se passe à gauche et à droite) à base de sangles qui avait belle allure, mais dont nous n'avons malheureusement pas pris de photo...
Bodie était une ville minière qui a poussé comme un champignon à l'époque de la ruée vers l'or en Californie dans la deuxième moitié du 19ème siècle, suite à la découverte d'une importante quantité de minerai dans le secteur.
Comme beaucoup d'autres dans l'Ouest, la ville a été progressivement délaissée avec l'épuisement du filon, et des incendies ont achevé de la transformer en
ghost town désertée depuis les années 1940.
Aujourd'hui le site est devenu un state park de Californie, et les droits d'accès (un peu moins de 10 dollars) servent à maintenir à peu près en l'état les quelques bâtiments encore debout.
L'atmosphère est assez prenante, Bodie c'était le stéréotype de la ville du Far West : des dizaines de saloons, des bordels, une banque, des blanchisseries chinoises... on est libres de s'y balader, un petit plan fourni par les rangers permettant de s'y retrouver.
Mineurs, cowboys, desperados et brigands en tout genres étaient nombreux en ville, et Bodie avait une réputation sulfureuse, ni plus ni moins que d'être la ville la plus dangereuse de l'Ouest.
Même si les règlements de compte quotidiens se finissaient souvent au cimetière, il y avait évidemment un sheriff et sa prison...
Une église...
Bref, un détour par Bodie donne furieusement envie de se relire toute la collection des albums de Lucky Luke...
On revient à notre époque, direction Grover Hot Springs à environ 120 kilomètres vers le nord, dans les montagnes.
Une portion de route que l'on a complètement sous-estimée en temps de trajet, entre nombreux travaux sur la chaussée, montées et descentes de cols, et routes sinueuses de manière générale.
Du coup l'arrivée tardive au state park (dans lequel se trouve un camping et la piscine alimentée par les sources chaudes) fait que l'on se casse le nez aux
hot springs qui n'ouvrent pas en nocturne. Et en plus le jour de fermeture hebdomadaire est pour le lendemain...
Mine déconfite de Mini-Lapinette qui rêvait de sa baignade, on doit sortir le kit de secours pour les cas d'urgence : la pizza au feu de bois !
Encore une fois, le feu de camp et la pizza trois fromages cuite à point - et c'est une science - auront rattrapé une situation a priori désespérée !
Pas de retour à faire sur les Grover Hot Springs donc, mais vue de l'extérieur la piscine n'avait pas non plus l'air extraordinaire.
Markleeville la petite ville voisine semblait en revanche plutôt sympa, avec des petits bars et restos aux allures de chalets de montagne.
Une dernière heure de route le lendemain nous amène enfin jusqu'aux rives spectaculaires du Lake Tahoe, situées à l'ouest dans l'état de Californie et à l'est dans l'état du Nevada, puisque la
state line coupe le lac en deux moitiés...
Avant d'y venir, le Lake Tahoe nous faisait un peu peur : tout ce qu'on avait pu en lire parlait d'une surfréquentation estivale assez compliquée, et ce n'est généralement pas le genre d'endroit qui nous correspond. Du coup on n'avait pas envisagé de nuit sur place, plutôt « un coup d'œil en passant ».
Et traverser South Lake Tahoe, farcie de centres commerciaux, de fast-foods, de grands hôtels et de casinos côté Nevada (les jeux d'argent étant très régulés en Californie, ils sont d'autant plus développés dans l'état limitrophe), ne nous a pas vraiment détrompés en arrivant...
Mais... fin juin, il nous a semblé possible de s'écarter un peu de cette ruche et de trouver assez facilement des coins tranquilles, comme plusieurs campings où avec un canoë et des vélos (des pistes cyclables bordent toute la partie sud du lac) on aurait été pas mal pour se poser quelques jours.
Aussi bien côté californien, vers Emerald Bay...
Que côté Nevada, avec les montagnes de la High Sierra en toile de fond !
Le Lake Tahoe est immense - sa superficie est à peine plus petite que celle du lac Léman - et c'est même le plus grand lac alpin (ie qui ne doit pas sa formation à la construction d'un barrage) d'Amérique du Nord.
Quant à l'eau elle est translucide...
Et baignable !
Finalement le « simple coup d'œil » s'est transformé en journée plage, à Zephyr Cove sur la rive orientale.
On reprend ensuite la route vers le nord de la Californie, mais Lake Tahoe restera dans un coin de notre tête... si jamais lors d'un futur voyage au long cours on devait repasser dans les environs, avec un besoin de recharger les batteries pour quelques jours !
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