Mexico et sa banlieue, c'est 20 millions d'habitants. L'agglomération se trouve dans une cuvette à plus de 2000m d'altitude, la circulation est infernale, la pollution y stagne et s'aperçoit à des dizaines de kilomètres de distance.
Alors que sommes-nous venus faire dans ce tableau enchanteur ?
Déjà, on vise la découverte de notre première cité Maya, la gigantesque Teotihuacan à une trentaine de kilomètres de la Ciudad de México.
Ensuite et surtout, il y a les volcans tout autour, dont certains - ceux qui sont éteints - se prêtent bien à la randonnée pour peu que l'on soit acclimatés à l'altitude, les sentiers se trouvant pour la plupart au-dessus de 3000m.
Et on les aperçoit de loin ces volcans culminant à plus de 5000m... En particulier ses deux stars, le Popocatépetl et l'Iztaccíhuatl, les plus proches de la capitale.
Mais il y a deux points préalables à gérer lorsque l'on s'approche de Mexico : d'une part les restrictions de circulation (les véhicules étrangers doivent impérativement détenir un permis pour circuler dans l'état de Mexico, qui s'étend assez loin et englobe les autoroutes périphériques... tout se fait par internet, mais il y a un délai de plusieurs jours avant l'obtention), et d'autre part le camping.
Pour ce deuxième point, une excellente adresse glanée auprès d'autres voyageurs : le
Rancho Viejo, à Teotihuacan, au milieu des champs et à dix minutes en vélo des pyramides et de la cité Maya.
C'est un endroit vraiment sympa, géré par Omar sur la propriété familiale. Un Mexicain attachant, prêt à tout pour aider au besoin.
Nous sommes tout seuls au camping !
Sur ses conseils, on sacrifie à un lever matinal (et à l'altitude de Mexico en janvier, ça caille au réveil !) pour faire l'ouverture du site de Teotihuacan, à 9h00.
Une règle que l'on suivra par la suite pour tous les grands sites touristiques au Mexique, afin d'éviter l'affluence... et qui permettra même parfois d'être seuls sur les lieux durant un bon moment.
Pour Teotihuacan, on ne va pas recopier les guides touristiques. Disons simplement que la cité date d'une époque assez ancienne, et regroupait plusieurs peuples de cette période (Mayas, Zapotèques et autres).
Les grands édifices ont été majoritairement construits autour de 100 apr. J.-C. et l'apogée de Teotihuacan occupe la période entre 150 et 450 apr. J.-C.
C'est à peu près contemporain à la période de rayonnement de Tikal au Guatemala, et bien antérieur aux sites Mayas du Yucatán qui ont eux été édifiés autour du X
e siècle (période « postclassique » des civilisations précolombiennes,
ie avant l'arrivée de Christophe Colomb).
Deux pyramides majeures occupent le site, par ailleurs immense (la cité de Teotihuacan couvre 30 km
2 et est avérée comme ayant été la plus grande ville de toute l’Amérique précolombienne, peut-être même du monde à l'époque, vers 400 apr. J.-C.) : la
Pirámide del Sol, à droite, et la
Pirámide de la Luna au fond et au bout de l'« allée des morts ».
On profite de la fraîcheur matinale pour grimper les 65 mètres de la Pyramide du Soleil, et du calme du début de journée pour la photo souvenir au sommet !
Quant à la Pyramide de la Lune, elle n'est accessible que jusqu'à son premier niveau.
Sinon, il est possible de crapahuter à peu près n'importe où...
À l'opposé de la cité (ce qui implique une bonne demi-heure de marche) on trouve le temple de Quetzalcóatl : le fameux serpent à plumes que l'on retrouve dans toutes les ruines de temples à travers le Mexique et le Guatemala, l'une des principales divinités de la mythologie Maya.
La cité de Teotihuacan abrite également de superbes fresques murales, dans un état de conservation impressionnant.
Comme le serpent à plumes de quetzal, le jaguar se retrouve souvent représenté...
Enfin, les petits quartiers de San Martín de las Pirámides, entre notre camping et les ruines, sont propices pour mettre à profit la gastronomie locale !
Le 9 janvier à l'aube, le Popocatépetl - en activité permanente depuis quelques années avec des émissions incessantes de petites colonnes de cendres - pète plus franchement : des roches incandescentes sont projetées jusqu'à plusieurs kilomètres du sommet et dévalent les flancs du volcan.
À ce moment-là nous sommes toujours dans notre camping de Teotihuacan, à moins d'une cinquantaine de kilomètres de distance, mais une montagne nous masque le Popocatépetl : nous n'avons rien vu ni entendu de l'explosion.
En revanche le panache de cendres provenant de l'éruption est bien visible par-dessus la crête !
En reprenant la route un peu plus tard dans la journée, on constate (un peu déçus d'avoir manqué le spectacle !) que le « Popo » a retrouvé son calme et ne crache plus que quelques discrètes fumerolles...
Le Popocatépetl étant interdit d'accès avec un vaste périmètre de sécurité autour du sommet (cette mesure reste en place en permanence et n'est pas spécialement liée à cette éruption), il n'est pas possible de randonner sur ses pentes.
En revanche, des sentiers grimpent sur l'Iztaccíhuatl (à droite sur la photo précédente) depuis le
Paso de Cortés, le col entre les deux volcans. Mais l'accès se fait par une petite route depuis Amecameca sur le versant opposé par rapport à notre position, de l'autre côté des montagnes, soit un immense détour que nous préférons ne pas tenter.
Surtout l'Iztaccíhuatl culmine à 5215m, se gravit sur au moins deux jours avec un guide si l'on veut atteindre le sommet, et sort complètement de la catégorie rando de loisir !
On se dirige plutôt vers un troisième cône du secteur : La Malinche, à l'est de la plaine de Mexico, un volcan éteint qui atteint plus modestement 4450 mètres d'altitude et dont l'ascension ne demande pas d'équipement particulier à part un peu de souffle !
Le trajet pour arriver au pied de La Malinche n'aurait dû nous prendre qu'une ou deux heures...
Mais ça, c'était sans compter sur ces ripoux de la
Policía.
Suite à un crochet pour faire quelques réapprovisionnements, on a quitté la 4 voies pour traverser la ville d'Apizaco par son avenue principale.
Pas le temps de faire 200 mètres, deux motards nous font stopper sur le côté, et tout se passe exactement comme on l'a déjà lu à de nombreuses reprises dans les récits de roadtrips au Mexique :
- salutations mielleuses des policiers
- question préalable sur nos capacités de compréhension en espagnol (pour info on entend parfois qu'il vaut mieux jouer les niais, mais on risque de vous coller un smartphone avec google traduction devant la figure, ce qui n'améliorera pas la durée de résolution du problème)
- explication du soit-disant délit en insistant bien sur la gravité : dans ce cas présent, le centre-ville d'Apizaco serait interdit aux véhicules lourds (nous en avons demandé la preuve aux policiers, et le texte de loi qu'ils nous ont fait lire sur leur téléphone ne mentionnait que le transport de marchandises...)
- demande des papiers du véhicule et du permis de conduire (pas des photocopies...) et refus de les restituer après leur vérification
- annonce d'une amende extravagante (cette fois-ci : 13000 pesos, soit plus de 600€) et proposition de fermer les yeux pour une somme réduite de moitié payée immédiatement en billets
- suite à notre refus et à notre insistance pour payer réglementairement, on nous indique que le poste de police où ça peut se faire est à l'autre bout de la ville mais que le camping-car doit rester immobilisé ici
- on continue d'insister (on va y aller en vélo, à pieds... mais en aucun cas on ne vous filera des billets ici) et tout y passe pour nous en dissuader : les quartiers sont dangereux, le chef de la police augmentera encore l'amende, ça va prendre plusieurs heures...
- dialogue de sourds épuisant pendant une heure, en espagnol
- saynète du « coup de fil au chef » jouée par le policier excédé
- le policier se sauve la face en prétendant que son chef lui a dit de nous laisser partir et nous rend enfin nos papiers
- bonus imprévu : il est resté accoudé à notre portière plusieurs minutes en répétant que nous pouvions partir, mais sans lâcher la porte pour autant... sans doute une manière de solliciter un billet de remerciement pour sa clémence, qu'il pouvait toujours espérer longtemps
Une expérience dont on sort lessivés nerveusement, mais à laquelle il faut fortement s'attendre lorsque l'on passe plusieurs mois sur les routes mexicaines ! Avec un mot d'ordre : rester ferme et ne pas céder au racket.
La photo a été prise dès que l'on a compris la tournure des événements, histoire d'avoir une trace de l'un des flics véreux.
Et au final nous n'atteignons notre camp de base que tard dans l'après-midi, car il a fallu souffler un bon coup après cette péripétie.
Au bout d'une route étroite (mais en bon état) qui grimpe raide sur le versant nord du volcan, et passe un point de contrôle de rangers car La Malinche constitue un parc national (pas de droits d'entrée, un simple enregistrement de nos noms) on arrive au
Centro Vacacional IMSS Malintzi, un genre de village vacances (des bungalows et un espace de camping) à 3000m d'altitude, bien situé car pile au départ du sentier vers le sommet.
En dehors des week-ends, le lieu est désert.
Réveil à l'aube avec un mal de crâne carabiné à cause l'altitude, et on attaque l'ascension à un rythme volontairement ralenti pour éviter l'essoufflement. Objectif 4000m, et davantage si affinités !
Toute la première partie du sentier grimpe sous les pins, croisant et recroisant une vieille route fermée qui trace de grands lacets dans la forêt.
La pente s'accentue au fil de la montée, puis vers 3800m d'altitude les arbres disparaissent et laissent la place à la prairie, puis encore un peu plus haut aux éboulis.
À la sortie de la forêt, l'itinéraire le plus évident est de remonter la pente de sables gris juste en face. Autant à la descente ça sera un vrai toboggan, à la montée ça serait un enfer.
On avait checké un peu les topos d'autres randonneurs avant de partir, et la meilleure option est de tirer au maximum vers la droite pour grimper plus ou moins à travers champs, mais dans l'herbe, et rejoindre le plus tot possible l'arête qui poursuit jusqu'au sommet...
Et une fois sur l'arête, le panorama s'ouvre sur le Popocatépetl et l'Iztaccíhuatl !
Un sacré cap altimétrique pour notre grimpeuse en herbe !
Après le pique-nique le plus élevé que l'on ait jamais fait en rando, vers 4100m, les filles choisissent de ne pas pousser plus haut (déjà 1100m de dénivelé dans les pattes, à cette altitude ça commence à être costaud). On se rejoindra dans la descente.
Il reste l'arête finale dans les éboulis, un bon exercice pour le souffle !
Au sommet de La Malinche, à 4450m !
Le Pico de Orizaba (5636m), autre volcan endormi et point culminant du Mexique, 3
ème plus haut sommet d'Amérique du Nord après le
Denali en Alaska et le Mont Logan dans le parc de
Kluane desquels nous nous étions approchés il y a quelques mois et quelques milliers de kilomètres plus au nord !
Nous ne sommes redescendus dans la plaine que le lendemain, après une nouvelle nuit en altitude au
IMSS Malintzi.
Une urbanisation sans fin, entourée par les volcans : à gauche le Popo et l'Iztaccíhuatl, à droite La Malinche d'où nous venons...
Direction Puebla et ses 2 millions d'habitants, l'autre mégalopole du plateau de Mexico !
On s'est infligé ce nouvel enfer en ce qui concerne la circulation pour aller découvrir Cholula, une ville noyée dans la banlieue de Puebla et connue pour son église construite au sommet de la plus grande pyramide jamais construite par l'homme.
Aujourd'hui cette pyramide (érigée au fil des siècles depuis 2000 ans par les différents peuples qui ont occupé la région) est couverte de végétation et ressemble davantage à une colline à l'aspect naturel...
En pleine ville c'est toujours compliqué, mais on déniche un coin assez correct pour la nuit (au prix de manœuvres un peu délicates dans les rues étroites) : les parkings privés destinés aux visiteurs aux abords de la pyramide sont spacieux, bien assez pour que l'on puisse s'y installer avec le camping-car à l'écart des autres véhicules, après négociation du tarif avec le gérant (150 pesos pour 24 heures).
Cholula se situe au pied du Popocatépetl, le coucher de soleil sur le volcan - avec son petit dégazage régulier tous les quarts d'heure - depuis la « colline-pyramide » vaut la petite montée (le site ouvre un peu avant le lever du jour et ferme à la tombée de la nuit, en libre accès) !
L'église construite au sommet par les évangélistes espagnols au XVI
e siècle («
Nuestra Señora de los Remedios »)...
Le lever de soleil sur Puebla...
Et sur le Popocatépetl !
Ici s'achève notre étape au centre du pays, et on en gardera une aversion irréversible pour les grandes villes mexicaines.
Entre la circulation délirante sur des routes souvent en mauvais état, les difficultés pour s'orienter, et surtout la pression permanente du racket par les flics, ça n'a vraiment pas été une partie de plaisir...
Pressés de retrouver la jungle tropicale et une densité de population moins oppressante, nous avons alors modifié nos plans initiaux (qui envisageaient Oaxaca puis la côte Pacifique) pour tracer en ligne directe jusqu'au Chiapas...
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