La frontière mexicaine on s'en faisait une montagne, faut être honnêtes.
Pourtant on a sérieusement potassé la théorie : on connaît par cœur les étapes successives, la configuration des bureaux de la douane de Tecate, les taxes à payer... Bien aidés par les blogs de voyage qui détaillent souvent ce passage obligé et anxiogène la première fois.
Il y a malgré tout une part d'inconnu, ce n'est quand même aussi direct et codifié que les douanes américano-canadiennes, en particulier parce qu'à partir du Mexique et ensuite pour chaque pays d'Amérique Centrale, il faut faire des démarches d'importation du véhicule.
Assez souvent les camping-cars s'organisent pour se retrouver la veille et franchir la frontière à plusieurs, peut-être pour le côté sécuritaire de rouler en convoi une fois au Mexique, à travers des zones limitrophes pas toujours rassurantes.
On n'en est pas encore là, on pense pouvoir se débrouiller seuls et avoir opté pour le poste de douane de Tecate à l'intérieur des terres, plutôt que la gare de péage intergalactique de San Ysidro (en face de Tijuana), permet de réduire un peu l'appréhension.
Tout se passe bien, on cède à l'achat pour quelques dollars du classique pot de miel proposé par un douanier pour accélerer les coups de tampon, les reminiscences de Lapinette en espagnol achèvent de nous faciliter la tâche et l'inspection du véhicule est superficielle.
En deux heures de temps tout est réglé, retrait de pesos mexicains dans une banque de Tecate et plein de gaz (bien moins cher au Mexique qu'en Californie) compris.
¡ Arriba México !
NDLR, 4 mois plus tard : on peut affirmer que l'entrée au Mexique était le plus simple de tous les passages de frontières jusqu'au Costa Rica !

Le passage par Tecate a également un autre intérêt (mot manquant à compléter)...
Avant de rejoindre la côte Pacifique, la « Ruta del Vino » traverse sur une centaine de kilomètres des vallées couvertes de vignes.
Ce coin tout au nord de la Basse-Californie produit les trois quarts des vins mexicains, au bénéfice d'un climat assez similaire au sud de la France.
La
Valle de Guadalupe commence même à concurrencer ses lointaines voisines américaines,
Napa Valley et
Sonoma Valley, les superstars des environs de San Francisco.
Des plantations d'oliviers sont souvent attenantes aux vignobles, et des allées de palmiers gigantesques mènent aux chais...
Le plus gros producteur mexicain,
L.A. Cetto, ne ressemble pas à proprement parler à un petit château du Bordelais.
Mais la propriété a un attrait indéniable : on nous autorise à passer la nuit sur place, et le gardien est aux petits soins.
Dans ces conditions évidemment, la dégustation a pu être un peu moins modérée que si l'on avait dû reprendre la route.
Ce principe (existant également aux États-Unis à travers le réseau
Harvest Hosts qui regroupe vignobles, brasseries, agriculteurs...) est réellement gagnant-gagnant puisque ce que l'on économise en coût de camping, on le dépense - souvent largement - en produits locaux chez l'hébergeur !
Lestés d'un stock respectable de bouteilles (pour info, les vins L.A. Cetto que l'on a retrouvés dans tous les supermarchés du Mexique y sont en fait souvent moins chers qu'à la propriété...) on a repris la route vers le sud.
Sans autre objectif dans un premier temps que de se faire aux routes mexicaines, et surtout de semer une météo infecte.
Ensenada, la grande ville balnéaire et très bétonnée du nord de la Baja California, on ne s'y arrête pas. Au final on encaisse une journée un peu rude pour gagner 200 kilomètres, avec des zones de travaux transformées en bourbiers par les fortes pluies.
Côté paysages, c'est pas fabuleux : principalement des champs, des serres et des barraquements pour les travailleurs. Le nord de la Baja California semble particulièrement pauvre.
Pour ne rien arranger au ressenti, nous nous perdons en cherchant notre point de chute du soir, et les échanges avec les habitants du coin tournent à l'embrouille. Un type essayera même de monter de force dans le camping-car par la porte de l'habitacle, heureusement verrouillée.
Un peu au nord de San Quintín, un campement atypique a la côte auprès des voyageurs :
Adele's Ranch, un bout de terrain avec une maisonnette et un bus aménagé, au bout de pistes pas forcément évidentes, proche de la côte et souvent noyé dans la brume du Pacifique.
Le ranch (baptisé du nom de leur magnifique jument) est tenu par un jeune couple québéco-méxicain, Nelly et Felipe.
Alors on est clairement plus près d'un camp de Gipsys que d'un ranch du Wyoming, mais l'ambiance cosmopolite et internationale est garantie !
Un bémol néanmoins : par rapport aux standards mexicains, ça ne vaut pas les 10 dollars demandés de base. Mais il est possible de donner un coup de main et de s'arranger avec Nelly et Felipe.
L'océan Pacifique est à quelques minutes de marche. Pour la contemplation exclusivement, l'accès par les falaises et la houle rendant toute baignade hasardeuse, voire suicidaire.
Pour résumer, sauf à s'investir dans les tâches du ranch on n'y passerait pas trois jours. Et n'étant pas de cette humeur-là pour le moment, on quitte même les lieux dès le lendemain pour reprendre la route en quête de davantage de soleil et de chaleur.
Dans cette partie la plus au nord de la Basse-Californie, la
Carretera Transpeninsular (la route unique de 1700 kilomètres qui descend de Tijuana jusqu'à Cabo San Lucas) longe plutôt la côte Pacifique.
Un peu avant El Rosario, où le tracé s'enfonce davantage dans l'intérieur des terres, quelques plages infinies et désertes sont plus ou moins accessibles...
Comme ce sera souvent le cas au Mexique, où se poser n'importe où pour passer la nuit n'est plus à l'ordre du jour, on s'inspirera massivement de l'appli iOverlander pour dénicher les campings potentiels.
Un peu de recul sur les commentaires reste souvent indispensable pour faire le tri, chaque voyageur ayant ses critères d'un « bon spot ».
En retrait de la plage précédente, le camping
Cielito Lindo (du nom de la grande chanson mexicaine patriotique) est un peu délabré mais nous comble par sa tranquilité, son tarif à moins de 100 pesos (5 dollars) la nuit, et son petit bar-resto qui sert des margaritas de cowboy.
Le proprio pousse même au vice avec une
hora feliz (l'« happy hour » des hispanophones) assez large...
Leçon mexicaine n°1 : « no picante » !
Une fois passé El Rosario (on a déjà roulé plus de 300 kilomètres depuis la frontière) les villages disparaissent, les paysages changent.
Ça commence à ressembler à l'idée que l'on pouvait se faire de la Baja California : le désert et les grands cactus
Saguaro.
Après de longues heures au volant, une bifurcation au milieu de nulle part sur la
Transpeninsular.
La route étroite (mais en excellent état) qui descend sur le versant oriental de la péninsule mène au bout d'une cinquantaine de kilomètres à Bahía de Los Ángeles, un petit village au bord du Golfe de Californie, alias la mer de Cortés...
Sur les recommandations d'autres voyageurs, nous poussons au-delà du village : 10 kilomètres et un peu de piste plus loin se trouve la plage de La Gringa, un magnifique spot de camping sauvage.
À notre arrivée, pas âme qui vive dans les environs. Cette solitude qui nous grisait dans les grands espaces canadiens et américains aurait plutôt tendance à nous inquiéter ici, clairement nous ne sommes pas encore à l'aise au Mexique !
Alors que l'on tourne et retourne le long de la plage déserte en hésitant sur l'endroit où s'installer - planqués ou bien en vue - trois camping-cars québecois arrivent ensemble avant le coucher du soleil.
On va faire ainsi la connaissance des
snowbirds : les retraités canadiens ou américains qui fuient l'hiver...
Le lendemain matin, pas le pire des petits-déjs !
Et nous sommes bien 4 camping-cars posés au bord de la baie !
Alors l'immense majorité des « snowbirds » ne s'aventurent pas jusque ici, leur seule préoccupation reste le climat tropical et ils descendent dès l'automne sans s'arrêter - généralement en convoi - jusqu'à des
RV parks ou autres campings attitrés en Floride ou au Mexique, dont ils ne bougeront plus jusqu'au printemps.
Mais certains vagabondent. À La Gringa, nous rencontrons Nicole, qui voyage seule dans un camping-car aussi grand que le nôtre et s'attaque pour la première fois au Mexique. Pour ses débuts elle roule en équipe avec des amis dans un autre RV québecois.
Et puis le quatrième camping-car, ce sont Isabelle et Hubert. Ils sont Français, formidablement sympas, ont eu mille vies, et habitent dans l'ouest du Québec depuis plus de 20 ans. Assurément l'une des plus belles rencontres de tout le voyage - on se recroisera plusieurs fois jusqu'au sud de la Baja California - et des grands-parents d'adoption pour Chloé.
La « Baie des Anges », réputée aussi pour être fréquentée par les requins-baleines d'août à novembre. Au village, les pêcheurs proposent des excursions pour nager avec ces mastodontes.
Mais en décembre, la température de l'eau est désormais trop fraîche pour eux (à peine 20°C) et ils sont partis plus au sud. On essayera de retrouver les requins-baleines dans la baie de La Paz, quelques semaines plus tard au bout de la péninsule.
Pour nous aussi, 20 degrés c'est un peu juste pour piquer une tête !
D'autant que les raies venimeuses pullulent, dans quelques centimètres d'eau.
D'ailleurs les aigles-pêcheurs se baffrent à longueur de journée en laissant trainer les dards un peu partout, et il vaut mieux regarder où l'on met les pieds...
Un vent soutenu se lève soudainement chaque après-midi (sans doute à cause du contraste entre le désert qui chauffe encore raisonnablement à cette époque de l'année, et de la mer de Cortés déjà rafraîchie) pour ne retomber qu'à la nuit... Gare au auvent du camping-car !
Nous sommes restés trois jours posés sur la plage de La Gringa, finalement sans jamais aller jusqu'au village.
Il aura fallu atteindre quasiment la moitié de la péninsule pour trouver une quiétude, des paysages et des températures plus en rapport avec ce que l'on imaginait de la Baja California, mais ces journées de bivouac à Bahía de Los Ángeles auront permis de baisser le niveau de stress de quelques crans !

PASSAGE DE DOUANE... |
prix indicatifs en pesos mexicains, 1€ ~ 21 $M en 2019 |
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États-Unis > Mexique, poste-frontière de Tecate
Note : un visa mexicain n'est pas nécessaire dans une bande frontalière de 20 km, un permis d'importation du véhicule n'est pas nécessaire dans les deux états de Baja California. Les démarches ci-dessous s'envisagent donc en vue d'une traversée en ferry depuis La Paz vers le continent (il est également possible de faire les papiers au dernier moment au port de La Paz).
les visas
- se garer juste avant la frontière (station-service, parking du duty free, parkings privés...)
- aller à la douane à pied, rentrer dans les bureaux de la Aduana Tecate, remplir les formulaires migratoires pour chaque personne et les faire contrôler par le douanier
- ressortir pour payer la taxe touristique (environ 500 pesos / personne) au guichet Banjercito, la banque nationale, juste à l'extérieur du bâtiment (paiement CB possible)
- retourner voir le douanier dans les bureaux avec les reçus de paiement, pour l'obtention du visa sur chaque passeport (valable 180 jours) et le coupon détachable du formulaire à conserver (la « FMM »)
pour les piétons c'est déjà fini, vous êtes en règle pour aller n'importe où au Mexique
le permis d'importation
- pour l'importation du véhicule, il faut des photocopies : certificat d'immatriculation, passeport du propriétaire, FMM du propriétaire venant d'être obtenue
sortir de la douane côté mexicain, la plupart des échoppes dans la première rue de Tecate (pharamacie, bureau de change...) proposent un service de copie pour 10 ou 20 cents
- re-rentrer dans la douane mexicaine (sans faire le tour par le côté américain) et retourner au guichet Banjercito, pour payer (environ 1200 pesos) et obtenir le permis d'importation (valable 10 ans !) avec une vignette à apposer sur le pare-brise
une liste des équipements (vélos, etc...) est demandée
- ressortir dans la rue côté mexicain pour revenir par la douane américaine car il faut récupérer le camping-car
c'est peut-être l'étape la plus délicate : expliquer au douanier US que oui on retourne marcher 200m aux États-Unis mais que non on n'a pas besoin de visa, et que même on souhaite les clotûrer (ce n'est pas indispensable, mais ça peut jouer son rôle lors du retour dans le pays quelques mois plus tard, de ne pas avoir utilisé la totalité de son premier visa en l'ayant laissé courir)
- passer la douane mexicaine avec le camping-car et son permis d'importation tout frais, il peut y avoir une inspection du véhicule plus ou moins poussée à ce moment-là
l'assurance du véhicule
- par simplicité, nous sommes passés par le courtier québecois Leclerc Assurances, qui nous couvrait déjà au Canada et aux États-Unis et qui a géré pour nous une extension pour le Mexique auprès d'ABA Seguros (344 US$ pour 6 mois)
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