Lors de notre premier séjour en Guyane, nous n'étions pas restés assez longtemps pour venir vadrouiller jusqu'au fleuve Maroni qui marque la frontière entre la Guyane et le Suriname (l'ancienne Guyane hollandaise devenue indépendante en 1975).
Saint-Laurent du Maroni est à plusieurs heures de route de Cayenne, c'est un voyage dans le voyage d'autant que la région est réellement particulière : c'est notamment la terre des Bushinengués, les peuples du fleuve descendants d'esclaves africains des plantations du Suriname.
Et depuis Oiapoque au Brésil, il nous fallait traverser toute la Guyane d'est en ouest, rien de moins...
Ça nous a pris 24 heures, sans se stresser.
Des copains à revoir le temps d'une soirée à Cayenne, un Airbnb accueillant du côté de Macouria, et quelques détours pour faire des pauses plus ou moins éloignées de la route principale...
Pour découvrir le littoral, on s'arrêtera plus longuement du côté de Mana, Sinnamary ou Kourou au retour.
Ici la crique Toussaint, pas très loin de Sinnamary.
Ou encore Saut Sabbat, au niveau du pont sur la Mana.
Notre hébergement réservé à Saint-Laurent-du-Maroni nous fait rêver depuis quelques semaines déjà, et encore plus depuis que les copains de Cayenne nous ont confirmé la magie du lieu : le
Carbet Toubo, perdu en pleine forêt à une dizaine de kilomètres de la ville.
Stéphanie et Laurent ont déboisé une parcelle de jungle amazonienne tout au bout d'une piste, l'ont aménagée en jardin vivrier, et y ont construit leur maison ainsi que ce carbet extraordinaire...
Aussi loin des réseaux urbains, l'énergie solaire, les citernes d'eau de pluie et les toilettes sèches sont de rigueur.
Les nuits sont magiques, le calme absolu !
Alors bien sûr il faut partager l'endroit avec quelques bébêtes, tout droit sorties de la nature environnante et qui se sentent un peu comme chez elles !
Geckos, araignées, scorpions et rampants hétéroclites, multiples papillons nocturnes grands comme la main... En fait tous ceux-là ne nous dérangent pas trop, on les côtoie également chez nous en Martinique.
Le petit frisson viendra de la visite nocturne d'une chauve-souris vampire, qui cherchait une opportunité pour se faufiler sous notre moustiquaire.
Ça peut être embêtant dans la mesure où dans certains coins d'Amazonie elles sont susceptibles d'être porteuses de la rage. Les cas restent cependant rarissimes dans la région du Maroni, et les vampires recherchent normalement plutôt le bétail que les humains.
Le jardin grouille aussi de gros lézards vert émeraude...
On a également vu un varan qui devait mesurer pas loin d'un mètre de long, et qui s'intéressait de très près au poulailler alors que les proprios étaient absents...
Laurent et Stéphanie ont également une famille d'oies, d'une efficacité redoutable pour tondre la pelouse, et alerter de l'arrivée d'un visiteur !
L'une des expéditions connues et reconnues dans les environs de Saint-Laurent, ce sont les chutes Voltaire. Mais à 2h30 de piste, uniquement praticable en saison sèche pour le commun des mortels, suivi d'une marche de 1h30 jusqu'aux chutes, c'est classiquement une virée en forêt de deux jours avec une nuit sur place.
Sans envisager d'aller au bout des 75 kilomètres à parcourir, on s'est tout de même engagés sur ce parcours « pour le trip » avec notre petite Sandero encore blanche...
Les dix premiers kilomètres sont un vrai carnage pour les amortisseurs, bitumés mais truffés de tels nids de poule qu'un seul pourrait suffire à défoncer le bas de caisse de la voiture de location. Ensuite c'est une belle piste en latérite, plutôt roulante, qui s'enfonce au cœur de la forêt amazonienne !
Recommandée par nos logeurs, la crique Tatou que l'on atteint après environ 27 kilomètres (il y a un vieux panneau dans le virage juste avant) constitue déjà un bon objectif.
Honnêtement on a été un peu déçus du lieu, sans vouloir faire non plus nos effarouchés : les petits bassins en étage n'incitaient pas forcément à une baignade sereine, à partager avec tout de même beaucoup de têtards, larves poilues et autres bestioles suspectes !
Un serpent-liane, pas agressif pour un sou mais venimeux quand même...
Retour à Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième commune de Guyane par sa population après Cayenne. La grande ville du fleuve, qui traine une réputation un peu sulfureuse...
Ancienne d'une part, avec son bagne historique et tous les bâtiments qui subsistent de cette époque (seconde moitié du 19ème siècle). Et actuelle d'autre part, la ville étant vue depuis Cayenne sinon comme un coupe-gorge, au moins comme assez peu sécuritaire.
Alors oui de temps en temps il y a quelques balles de fusil et coups de coutelas qui se perdent, et aussi bien les copains que les proprios du Carbet Toubo nous ont conseillé de faire un minimum gaffe une fois la nuit tombée. Mais il semblerait quand même que la criminalité quotidienne soit plutôt le braquage de commerçant que celui des touristes de passage.
Enfin bref on n'y a eu aucun problème, et on a même sacrément apprécié Saint-Laurent !
À commencer par son marché...
Les Bushinengués, ainsi que les Hmongs du village de Javouhey, viennent y vendre leur production de fruits et légumes : bananes, chadeks (énormes pamplemousses) et autres agrumes, pitayas, ramboutans, tubercules divers (patates douces, ignames, dachines, taros...) et les plus classiques tomates, concombres, etc...
Le language parlé entre les marchands et les clients bushinengués nous est totalement incompréhensible. Ce sont les dialectes du fleuve Maroni, propres à chaque ethnie : Bonis, Djukas, Saramacas... Les blancs emploient le terme
taki-taki pour désigner ces différentes langues du fleuve.
Les bords du majestueux fleuve Maroni justement, on y passe nos fins d'après-midi en buvant quelques Parbo, la bière surinamienne directement importée de la rive en face.
Le fleuve fait ici 4 kilomètres de large, et la frontière est totalement théorique et poreuse comme celle avec le Brésil matérialisée par l'Oyapock de l'autre côté de la Guyane.
Pendant ce temps-là, notre Mini-Lapinette rencontre quelques difficultés de communication dans le square en bordure du fleuve...
Initialement en venant à Saint-Laurent-du-Maroni, on pensait prendre un ferry et faire un saut de puce à Albina, la ville-frontière côté Suriname que l'on s'imaginait dans la même veine qu'Oiapoque au Brésil.
Mais tout le monde en Guyane nous a dit que ça n'en valait pas le coup, l'ambiance n'y ayant rien à voir. Et qu'en plus ça craignait un peu, qu'en traînant en ville on pouvait se retrouver sans même s'en rendre compte au milieu d'embrouilles entre orpailleurs à la gachette facile.
On n'est pas paranos, mais cela semblait du coup inutile de tenter le diable. On admirera d'autant mieux les couchers de soleil sur le Maroni depuis la rive guyanaise !
Cadre envoûtant oblige, on aura au final passé pas mal de temps dans notre carbet à... se laisser vivre !
Au passage celui-ci est aménagé avec des objets d'art local, dont les
adjaini bangui typiques de la culture Saramaca : des sièges pliants, superbement taillés dans deux pièces de bois qui s'ajustent sans aucune fixation.
Quant aux grands paniers tressés, ils viennent de la vannerie pratiquée dans les tribus amérindiennes.
Notre prochain camp de base reste dans la région du Maroni, mais en se rapprochant du littoral.
Direction Javouhey, le second village Hmong de Guyane avec Cacao, au bord de l'Acarouany...
Enfin, il n'était pas envisageable de clore cet article sans y glisser un lien vers le site de l'extraordinaire Carbet Toubo...
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