La péninsule d'Osa, tout au bout de la côte Pacifique, n'était pas forcément cochée comme incontournable lorsque nous sommes arrivés au Costa Rica.
La conduite en Amérique Centrale nous ayant quelque peu usés, les longs trajets avec le camping-car n'avaient plus vraiment la cote malgré la promesse d'une densité d'animaux incomparable dans tout le pays.
Pourtant suite à l'arrivée del coronavirus au Costa Rica, c'est bien à Osa que nous avons décidé d'aller nous isoler pour une durée indéterminée, le plus à l'écart possible du bazar et des incertitudes sanitaires qui gagnaient San José et les grandes villes du pays.
Et nous ne le savons pas encore à ce moment-là, mais nous allons passer plus d'un mois sur la péninsule !
Depuis les forêts de nuages de la cordillère de Talamanca où nous avons traqué les quetzals et passé quelques jours en altitude, il nous faut une journée entière au volant pour atteindre Puerto Jiménez, la « ville » de la péninsule d'Osa (1500 habitants...) où s'achève la route.
Au-delà ce sont des pistes menant à des plages sauvages, à des villages d'orpailleurs dans l'intérieur, au parc national du Corcovado, et à l'aventure.
Puerto Jiménez, c'est un quadrillage d'une dizaine de rues dont une sur deux n'est pas bitumée, un petit aérodrome, et une piste faisant office de front de mer qui longe le Golfo Dulce...
C'est le point de ravitaillement de tout le sud de la péninsule d'Osa.
Et un camping, chez Adonis. Son terrain est un grand carré de jungle défriché entre la piste de l'aérodrome (seulement un ou deux petits avions par jour, qui deviendront à peine hebdomadaires avec les effets du coronavirus...) et la plage bordant le golfe.
Adonis est un gars qui peut paraître légèrement bizarre au premier abord, il vit avec sa famille nombreuse incluant neveux et cousins dans une petite baraque à l'entrée du terrain, et porte un bracelet électronique à la cheville.
Mais bon avoir trempé dans des affaires un peu louches à Osa n'est pas si exceptionnel, Puerto Jiménez fait ressentir un indéniable petit côté Far West, l'orpaillage amenant une population de
bandidos dans les environs et les trafics qui vont avec.
Au fil des jours Adonis s'est révélé être une chouette personne, toujours prête à rendre service et à qui nous avons fait largement confiance. Ne voulant pas le froisser, nous ne lui avons jamais demandé la cause de sa condamnation.
Nous avons à dispo des douches (froides, mais la température extérieure ne descend jamais en-dessous de 30°C même la nuit) et un grand carbet, offrant en outre le luxe d'une prise électrique depuis laquelle on peut tirer une rallonge jusqu'au camping-car, bienvenue car l'énergie fournie par nos panneaux solaires en ce début de saison des pluies reste aléatoire.
La plupart du temps, nous sommes les seuls campeurs.
Les premiers jours, un véhicule aménagé ou une tente occupée par les derniers touristes dans la région partagaient parfois l'immense terrain avec nous, comme un couple de cyclistes que l'on retrouve par hasard ici après les avoir déjà croisés au Nicaragua.
Tous tiennent le même discours : les compagnies aériennes annulent en masse leurs vols, et pour avoir une chance de rentrer dans son pays d'origine avant un blocage total, il faut anticiper la fin de son voyage.
Ayant encore plusieurs mois devant nous, on ne se sent pas encore au pied du mur. Et sans trop réfléchir, nous décidons de nous installer durablement à Puerto Jiménez.
Nos seuls voisins au camping seront désormais les iguanes...
Il y en a des dizaines, bien nourris car Adonis leur donne tous ses déchets, mais du coup parfois un peu trop intrusifs !
Les réveils au camping de Puerto Jiménez s'avèrent insolites : dès le lever du jour, un infernal concert de « crâââ crâââ » vient des grands arbres aux alentours.
Ce sont les aras rouges, dont la population la plus importante du Costa Rica (et possiblement d'Amérique Centrale) se trouve sur la péninsule d'Osa.
Il suffit de lever la tête pour voir un couple ou des petits groupes passer dans le ciel.
Au point que les quelques hébergements pour les touristes du village en ont fait un invariable argument commercial : « séjour remboursé si vous ne voyez pas d'aras ». Ils ne prennent aucun risque, tant ils sont nombreux dans le secteur...
Ils ont un péché mignon, les amandes qu'ils écossent à la chaîne dans leurs arbres favoris : logiquement... les amandiers.
La sociabilité des aras est réputée, ils vivent en groupes soudés, des vieux, des juvéniles, des couples (qui restent liés à vie comme chez tous les perroquets), et se déplacent toujours ensemble.
Effectivemment la communication est incessante, ce qui en fait des voisins bruyants...
Un couple de toucans semble également loger dans le coin, on les aperçoit fréquemment dans les grands arbres du camping et même parfois près du sol, perchés sur les tiges de balisiers.
Le Golfo Dulce, qui sépare la péninsule d'Osa du continent, est plutôt très calme...
Particulièrement en ce début de saison des pluies où il n'y a quasiment jamais de vent sauf lors des orages, et la mer reste lisse comme un miroir du matin au soir.
Une petite vedette assure une liaison quotidienne entre la jetée de Puerto Jiménez et Golfito, de l'autre côté de la baie.
Les derniers touristes ont quitté le Costa Rica, nous sommes fin mars 2020 et les voyageurs se comptent désormais sur les doigts d'une main à Puerto Jiménez.
Le bord de mer et la plage restent déserts, le petit bar sympa avec les pieds dans le sable qui avait fait notre bonheur les premiers jours a baissé le rideau...
La chaleur moite s'avère difficilement supportable du matin au soir, et il ne faut pas compter sur la baignade dans les eaux du Golfo Dulce pour se rafraîchir un peu : la température de la mer dans cette baie peu profonde avec un sable foncé atteint des niveaux indécents, sans doute autour de 35°C (foi de Martiniquais) !
En plus de la désagréable sensation de cuisson au bain-marie, la sérénité n'est pas franchement optimale.
En arrière de la plage, dans la mangrove qui borde le camping, trainent des crocos plutôt balèzes qui ne se privent pas de petites virées dans l'eau salée à l'occasion. Adonis a beau nous assurer qu'ils sont inoffensifs (et apprivoisés, preuve à l'appui puisqu'il va leur jeter des morceaux de poulet devant nous dans leur marais), on ne s'éloigne jamais trop loin.
Et il faut rajouter à ça que le Golfo Dulce et la côte de la péninsule d'Osa sont réputés farcis de requins...
On apercevra bien quelques ailerons, mais de dauphins qui viennent se balader dans la baie.
L'air humide et la chaleur chargent des nuages impressionnants sur les montagnes du parc national de Piedras Blancas, de l'autre côté du golfe (difficilement accessible, en 4x4 depuis Golfito).
Au fil des jours les orages deviennent de plus en plus fréquents, et de plus en plus tôt dans l'après-midi...
C'est un sujet d'inquiétude : le camping se trouve en première ligne en bord de mer, et les rafales de vent lors des orages sont franchement marquées.
Préventivement on replie toujours notre auvent, mais on ne peut rien faire contre l'angoisse de voir les grands arbres du terrain se balancer au-dessus du toit du camping-car...
Un soir, un orage plus violent que les autres confirme nos craintes : des branches tombent un peu partout, un des plus grands arbres casse et explose le cabanon d'Adonis. 20 mètres à côté c'était sa maison, un peu plus loin notre toit et nous en-dessous.
Au lever du jour on découvrira également des perroquets morts sur le sol.
Suite à notre virée sur la piste jusqu'à
Carate à l'entrée du parc national du Corcovado sans pouvoir y pénétrer, à laquelle s'ajoutent les restrictions de plus en plus marquées à Puerto Jiménez avec la fermeture des plages et l'approvisionnement qui se complique au supermarché du village, sans parler des minuscules mouches mordeuses qui pullulent en bord de mer et contre lesquelles les moustiquaires et les répulsifs ne peuvent rien, on décide de s'éloigner un peu de la côte...
On laisse le camping-car en garde à Adonis pour quelques jours, et on se fait conduire en taxi au village d'orpailleurs de Dos Brazos, dans l'intérieur de la péninsule d'Osa, où l'on s'est trouvé une petite maison à louer en pleine jungle.
Les sentiers en forêt y permettent en outre un autre accès au parc du Corcovado...
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