Le Yukon nous faisait rêver... Croc Blanc, les chercheurs d'or du Klondike, la faune du Grand Nord, la forêt boréale et la toundra, et une densité de population humaine quasi nulle.
C'est également au Yukon que se trouvent les plus hautes montagnes de tout le Canada, dans le parc de Kluane au sud-ouest du territoire et qui viendra pour nous au retour d'Alaska.
Alors forcément, le panneau d'entrée officiel déclenche des scènes d'hystérie collective !
À Watson Lake, première (et seule !) « ville » avant Whitehorse la capitale territoriale 550 km plus loin sur l'Alaska Highway, il y a la Sign Post Forest.
Des panneaux indicateurs du monde entier empilés sur des poteaux depuis 75 ans, on pensait que ce serait super kitch...
En fait ça prend aux tripes !
Des milliers de roadtrippers au long cours ont laissé un morceau d'écorce ou des bouts de planches gravés, c'est un vrai mémorial dédié au voyage.
Il y a plus de 70000 panneaux accrochés, si jamais on repasse par Watson Lake en redescendant vers le sud - et étant donné qu'il n'y a pas 50 routes il y a des chances - on préparera et on ajoutera notre pierre à l'édifice...
Et puis on arrive à Whitehorse... 25000 habitants pour la capitale d'un territoire à peine moins grand que la France, et sachant que 3 Yukonnais sur 4 y vivent : ça cadre la présence humaine minimaliste au Yukon !
Pour autant c'est une ville sympa, avec tout ce qu'il faut pour recharger les batteries et les garde-mangers des voyageurs.
Et un passé historique lié à la ruée vers l'or dans le Klondike qui a laissé des traces, comme les bateaux qui descendaient la Yukon River jusqu'à Dawson City, là où des milliers de mineurs attirés par la fortune allaient tenter leur chance dans les rivières du Grand Nord.
Après une semaine assez coupés du monde, l'étude des prévisions météo et quelques nouvelles à donner imposent de se reconnecter à internet.
On déploie pour l'occasion notre installation réseau digne du KGB, garés sur le parking du visitor center de Whitehorse. C'est censé dispatcher à nos téléphones et ordis le wifi gratuit du coin (ça ça marche pas mal) et surtout l'amplifier grâce à notre antenne spéciale (ça ça donne pas des résultats extraordinaires)...
À Whitehorse on retrouve par hasard la famille Maloya, d'autres voyageurs au long cours déjà croisés à Montréal lors de l'achat quasi simultané de nos camping-cars respectifs... et venant également de Martinique. On ne doit pourtant pas être nombreux sur tout le continent nord-américain !
Sur leur bon conseil, on s'éloigne de quelques kilomètres à peine du centre-ville (ce qui étant donné la taille de Whitehorse revient à se retrouver en pleine nature) pour établir notre camp de base à Miles Canyon : une gorge sur la rivière Yukon, avec des itinéraires de randonnée sur chaque rive.
Sentiers que l'on s'empresse d'essayer, bear spray à portée de main !
Pas d'ours, mais des renards trainent sur le bord de la rivière, et jusqu'au cœur de la ville où ils viennent chaparder dans les poubelles. Celui-ci se ferait bien un canard en plus...
Whitehorse est une ville top en vélo, peu étendue et avec des pistes cyclables le long de la Yukon River...
Et à la mi-août tout le monde surveille attentivement la rivière : c'est le moment de l'année où les saumons doivent commencer à arriver, point de passage sur leur remontée depuis l'embouchure (dans le détroit de Bering à 3000 km en aval) vers leurs lieux de ponte en amont.
Le barrage hydroélectrique de Whitehorse étant un obstacle infranchissable, une « échelle à poissons » a été prévue : les dizaines de mètres de haut du barrage sont découpés en une longue succession de petites chutes d'eau, tout à fait dans les cordes du saumon moyen.
Un sas sur le parcours permet en outre de retenir furtivement les poissons, le temps d'effectuer des comptages.
Très belle découverte à Whiterhorse : Winterlong Brewery.
Il y a deux brasseries dans le coin, celle-ci et Yukon Brewing en centre-ville que l'on sentait un peu plus commerciale qu'artisanale.
Winterlong est sur la route de Mount Sima, la (mini) station de ski à une dizaine de kilomètres de la ville en revenant vers Watson Lake, la terrasse est chauffée et les bières que l'on a testées sont tout simplement ce que l'on a goûté de mieux de Montréal à Fairbanks (soit plusieurs dizaines pour les biérophiles que nous sommes, et il y a du niveau du Québec à l'Alaska). Ils brassent entre autres une red IPA à tomber.
On y a découvert au passage les cans (boîtes d'un litre à emporter) remplies à la demande par une machine qui nous a épatés sur le coup, mais que l'on a retrouvée dans d'autres brasseries artisanales par la suite.
Spot de dernier recours pour passer la nuit en camping-car dans de nombreuses grandes villes en Amérique du Nord, les parkings de supermarchés. Il est assez rare qu'il n'y en ait pas au moins un qui l'autorise, notamment les Walmart qui sont réputés pour ça.
Il est très rare que l'on y soit contraints (c'est la première fois depuis notre départ, et encore c'était pour éviter de trop rouler après une soirée un peu arrosée à la brasserie) et c'est la garantie d'une mauvaise nuit, outre le cadre très moche : beaucoup de bruit, lampadaires qui éclairent autant qu'en plein jour.
Au réveil c'est « plus jamais » !
Prochaine étape : le Klondike, à commencer par Dawson City - la ville de la gold rush - à 500 kilomètres au bout de la Klondike Highway qui suit à peu près l'itinéraire emprunté par les chercheurs d'or à la fin du 19ème siècle...
Cette route qui grimpe tout droit vers le nord est formidablement isolée, seules quelques villes nées avec la ruée vers l'or dont il ne reste plus grand chose, et quelques communautés amérindiennes se trouvent sur le trajet.
Les paysages sont magnifiques, mais malgré tous nos espoirs en deux jours de route on n'y apercevra pas le moindre animal !
En revanche les couleurs de l'automne (nous sommes le 15 août !) sont de plus en plus marquantes au fur et à mesure de l'avancée dans la forêt boréale...
L'arrivée dans la ville mythique des chercheurs d'or du Klondike !
Dawson City a gardé un furieux air de Far West, ça compte sur le plan touristique, et des spectacles un peu kitch ont lieu chaque soir l'été dans des pseudos saloons.
Mais ce n'est pas non plus qu'en façade : on peut réellement croiser dans les rues poussiéreuses des gars boueux de la tête aux pieds qui débarquent de leur concession minière aux alentours, d'autres avec chapeau de cowboy et colt à la ceinture.
Un peu partout dans les environs des acharnés continuent de creuser et de tamiser le lit des rivières, 120 ans après la découverte des premiers filons d'or à Bonanza Creek.
Le matériel va du gold pan, la batée dans laquelle on essaye de dénicher une pépite au milieu d'une pellette de gravier, aux engins lourds de chantier, motopompes et machines filtrantes.
Il y a semble-t-il encore beaucoup à découvrir dans les creeks du Klondike !
Et ce malgré les moyens mis en œuvre dès les années 1900 avec des machines monstrueuses, les dredges. Le paysage autour de Dawson City est curieusement composé d'énormes tas de galets et de grands trous : c'est le résultat de l'exploitation du sol par ces taupes géantes...
On s'éloigne un peu de Dawson City pour atteindre le parc de Tombstone qui nous faisait de l'œil depuis un moment : encore un peu plus au nord et à moins de 200 kilomètres du cercle polaire, ça n'est rien de moins qu'une aventure vers la toundra arctique.
Il faut se lancer - avec notre camping-car de 6 tonnes - sur le début de la piste reine des voyages aux confins du Grand Nord : la Dempster Highway, qui mène jusqu'à l'Océan Arctique (un périple de plusieurs jours qui nécessite sinon un bon 4x4 aménagé, une bonne dose d'optimisme, un certain nombre de pneus de rechange et un dos en acier).
Finalement les 70 kilomètres de piste nécessaires pour rejoindre le camping du parc de Tombstone étaient assez roulants, on aura droit à bien pire quelques jours plus tard pour rejoindre l'Alaska.
Mais le nouveau point d'inquiétude concerne la météo qui a empiré depuis notre dernier pointage avant de partir : glacial... et même de la neige à venir si l'on en croit les prévisions affichées par les rangers du parc.
On n'aura pas longtemps à attendre depuis notre emplacement de camping (à 12 $CAD comme les autres parcs territoriaux du Yukon, en revanche Tombstone est assez populaire et le principe du « premier arrivé premier servi » peut jouer des tours en cas de venue tardive) : les premiers flocons se mettent à tomber !
Ambiance de circonstance dans la toundra !
Dans ces conditions les randos sont limitées. Tout notre équipement en pulls, sous-pulls, polaires, anoraks... est empilé couche par couche !
Sans oublier le bear spray car les grizzlys folâtrent en nombre dans le parc de Tombstone.
Heureusement un créneau pour une plus grosse sortie se profile le jour suivant.
(Notez au passage que les tentes « 2 secondes » ne sont pas encore à la mode dans les campings au Yukon, sans doute à cause de la difficulté à y intégrer le poele et la cheminée...)
La rando phare de Tombstone mène au Grizzly Lake, tout au fond de la vallée perdue où se trouvent les pics déchiquetés de la fameuse Tombstone Mountain.
Plus de 20 kilomètres et 1000m de dénivelé aller simple : c'est classiquement fait sur deux jours avec bivouac au bord du lac. Pour nous le but sera d'aller aussi loin que possible et de revenir au point de départ dans la même journée.
On scrute, on scrute... mais pas la moindre grosse masse brune ne se balade dans la vallée !
Après environ 700m et 3-4 heures de montée, le ciel se couvre, un vent glacial se lève, et il recommence à neigeoter : on n'ira pas plus loin.
Depuis Tombstone il faut repartir vers le sud (fait nouveau pour nous !) sur la Dempster pour revenir à Dawson City.
On a évidemment jeté un œil vers le nord : le cercle polaire à une demi-journée de piste, Tuktoyaktuk au bord de la mer de Beaufort à 1000 kilomètres... mais nous ne sommes pas équipés, tant au niveau du camping-car inadapté à une piste réputée difficile ensuite, que des réserves vestimentaires !
On se le met de côté pour une prochaine aventure, avec un autre type de véhicule.
Deux surprises sur la route : la première, de taille, est notre premier grizzly !
Et finalement, on n'est pas tant déçus que ce baptême n'ait pas eu lieu au détour d'un virage de sentier de randonnée...
La seconde, c'est qu'on est partis à Tombstone vraiment limite sur le réservoir d'essence (la faute à la dernière station-service en panne nous ayant empêchés de refaire le plein)... et qu'on est trop juste pour rallier Dawson City.
C'est dans ces cas-là qu'on se félicite d'avoir prévu « au cas où » un petit rab avant de se lancer sur les routes du Klondike. Pas grand chose - 10 litres ça nous offre à peine 40 kilomètres d'autonomie supplémentaire - mais c'est suffisant pour atteindre la ville.
Pleins divers effectués, on quitte Dawson City en direction de l'Alaska.
C'est la section un peu angoissante de notre itinéraire prévu à Whitehorse, l'emblématique Top of the World Highway qui mène jusqu'à la frontière étant une piste - ouverte l'été seulement - à l'état assez aléatoire.
La route s'arrête à Dawson City, un bac permet de traverser la Yukon River durant les quelques mois de l'année où elle n'est pas gelée, pour rejoindre l'autre rive et le début de la piste.
Camping sauvage au tout début de la Top of the World...
Que l'on attaque le lendemain !
Quasiment en intégralité sur les crêtes, dominant les paysages alentours, la route est assez grisante et porte bien son nom...
Finalement la centaine de kilomètres de piste jusqu'à l'Alaska border ne nous a pas paru si terrible (c'est ensuite, côté américain, que c'est davantage rock'n roll !).
Cette frontière du bout du monde n'est ouverte que sur une plage horaire stricte (de 9h00 à 21h00).
Pas (trop) de difficutés administratives à déplorer avec les deux pauvres douaniers américains affectés ici : aucune inspection du camping-car, et cadeau des 6 dollars par personne de taxe pour le visa sur le passeport (même avec nos B2 faits à l'ambassade à Paris), nous n'ayant pas encore de dollars américains et eux pas de terminal pour carte bancaire.
C'est donc à Poker Creek « poste-frontière le plus au nord du continent nord-américain » que l'on pousse la porte de l'Alaska, celle par laquelle des mordus du Grand Nord se devaient d'entrer...
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