Le parc national de Yoho marque notre entrée dans le cœur des Rocheuses Canadiennes : avec le parc de Kootenay et les superstars Banff et Jasper, ces quatre parcs fédéraux collés les uns aux autres protégent un large territoire de montagnes, glaciers, lacs et forêts truffés d'ours, wapitis, orignaux...
Et en juillet-août, de touristes.
En superficie, Yoho est le moins étendu des quatre parcs (six fois moins vaste que Banff, dix fois moins que Jasper) mais comme il est situé pile sur la route Transcanadienne beaucoup de visiteurs s'y arrêtent, ou font une virée à la journée depuis Banff.
D'ailleurs le permis - obligatoire en cas d'arrêt dans l'un des parcs - est valable automatiquement pour les trois autres, il coûte un peu moins de 20 dollars canadiens (13€) par jour et par véhicule, sachant qu'au-delà d'une simple semaine le pass annuel à 90€ est davantage rentable.
Pour camper dans le parc de Yoho, l'été c'est un peu la bataille (comme dans tous les parcs très fréquentés des États-Unis et du Canada où le first come first served est en vigueur) : la première action de la journée consiste à arriver de bonne heure sur l'un des terrains de camping, voir si des emplacements sont déjà libres ou vont l'être en discutant un peu avec les gens, et à remplir avant quelqu'un d'autre la fiche d'enregistrement en y joignant la monnaie nécessaire.
Très souvent dès le milieu de matinée le turnover est achevé et tout est à nouveau complet jusqu'au lendemain.
Sur les conseils d'une ranger, on se pose à Hoodoo Creek : le plus spartiate et un peu excentré, ce qui donne davantage de chances d'y trouver une place bien que ce soit celui qui ait le plus petit nombre d'emplacements, et c'est aussi le moins bruyant.
Il y a trois incontournables à Yoho : les Wapta Falls, Emerald Lake et les Takakkaw Falls.
Les deux derniers nommés sont accessibles par la route, donc surfréquentés en journée : on les met de côté dans un premier temps, d'autant qu'il nous faut jongler avec une météo capricieuse pour la première fois depuis plusieurs semaines.
Pour les sportifs on peut en rajouter un quatrième : The Iceline, un circuit de randonnée qui mène de la Yoho Valley jusqu'au pied des glaciers (700m de dénivelé et 17 à 20km de marche suivant les variantes, 7 à 8h). À l'état de bourbier en raison de la fonte des neiges et avec une mauvaise météo lors de notre passage dans le parc de Yoho, ça n'a malheureusement pas été envisageable.
Les Wapta Falls sont à peine à une demi-heure de marche sur un sentier dont le départ est à l'opposé du parc par rapport à Banff. La combinaison des deux suffisant à limiter notablement le nombre de personnes dans le secteur...
En fait on peut déjà entendre le grondement des chutes à mi-parcours, tellement elles débitent.
On y accède par le haut, puis un petit sentier permet de descendre au pied et de se faire vaporiser au passage !
Les Wapta Falls sont sur la Kicking Horse River, qui traverse d'ailleurs tout le parc de Yoho.
À noter que des marcheurs croisés en sens inverse venaient de croiser un ours noir sur le sentier... Dans ces cas-là on adopte la formation de sécurité avec Mini-Lapinette au milieu, n'emportant pas (à ce moment du voyage...) un rassurant bear spray avec nous. Mais le bestiau n'a de toutes façons pas réapparu.
Un lys, a priori rare mais cueilli innocemment par Mini-Lapinette, ce qui lui a valu un sermon immédiat d'un type assis un peu plus loin et venu lui faire la leçon avant même que l'on ait nous-mêmes pu réagir.
Alors oui on n'est pas toujours dans les clous, mais il est tout de même assez curieux qu'au Canada on se fasse souvent engueuler (la veille parce qu'on n'était pas stationnés dans le bon sens dans la rue, le jour d'avant parce que des bouteilles de bière vides visibles à l'avant du camping-car c'est very illegal), non pas par une personne légitime mais par le premier péquin venu, dont on se demande bien de quoi il se mèle...
Un côté moralisateur à tout va qui surprend un peu en venant des états plutôt cools et ouverts du Northwest aux États-Unis.
Emerald Lake, il nous a été compliqué de l'apprécier à sa juste valeur. Malgré de longues temporisations avant de s'y rendre en espérant une petite fenêtre météo, pas le moindre rayon de soleil pour donner au lac sa couleur éclatante.
Même si l'on peut imaginer le potentiel...
Quant aux Takakkaw Falls, on nous avait dit : en camping-car durant l'été, avant un bon 18-19h c'est suicidaire.
Alors on a tenté le coup vraiment en soirée pour croiser un minimum de monde, d'autant qu'il y a une manœuvre sympa pour les véhicules longs sur la petite route d'accès, dans un enchaînement d'épingles à cheveux...
Les fameuses Takakkaw Falls, promues par le parc national « deuxièmes plus hautes du Canada » (dépassées par les Della Falls sur l'île de Vancouver) même si a priori il faut cumuler les sauts successifs pour arriver à ce rang.
On a dû jongler avec la pluie pour s'approcher au plus près des chutes...
Mais les averses offrent aussi l'avantage - outre l'arc-en-ciel au-dessus de la vallée grâce à un rayon de soleil improbable - d'avoir le site pour nous tout seuls, surtout à 21h (début juillet à la latitude de Yoho il fait encore clair jusqu'à quasiment 23h) !
Au pied de la cascade, le double arc-en-ciel créé par le panache d'eau vaporisée est plus classique !
Et à voir se dégager progressivement les sommets, comme la Wapta Mountain, la météo semble plus prometteuse pour le lendemain du côté de Banff...
Pour le parc national de Banff, en particulier le secteur phare de Lake Louise, il faut se lever tôt. C'est de très loin le parc le plus visité du Canada (la fréquentation annuelle est équivalente à celle du Yellowstone aux États-Unis) et en été, c'est une ruche infernale que l'on appréhende un peu...
Le cliché rituel, celui que l'on retrouve en couverture de tous les guides de l'ouest canadien, c'est le reflet des montagnes sur le Moraine Lake situé à une dizaine de kilomètres de Lake Louise.
On était prévenus : 15 places de parking pour les camping-cars, et si elles sont occupées il n'y a pas d'autre choix que de repartir car des rangers veillent en permanence pour empêcher toute tentative d'arrêt anarchique. Et on peut vous assurer qu'en juillet, bien davantage que 15 camping-cars souhaitent se rendre au Moraine Lake chaque matin...
Pour les voitures c'est un peu moins la guerre, ça bouge davantage. De toutes façons il y a un système de comptage des véhicules à l'entrée de la route menant au lac, et l'accès en est fermé depuis Lake Louise dès que le quota est atteint.
La ranger questionnée nous avait dit d'y être à 7h du matin dernier délai. En mettant le réveil avant l'aube à Yoho, on a même débarqué au Moraine Lake à 6h sonnantes après une heure de route qui au passage nous a fait basculer de la Colombie Britannique à l'état de l'Alberta.
Et pour les camping-cars à 6h du matin il restait à Moraine Lake... une dernière place.
Mission accomplie ! Après les highfives d'auto-congratulation dans l'équipe et un petit-déjeuner au chaud (la température extérieure affiche 5°C...) on peut aller faire notre photo si-tu-l-as-pas-t-as-pas-été-au-canada !
Après faut être honnête, le paysage reste exceptionnel. On n'est résolument pas fans des coins avec trop de monde, mais la vue offerte par la barrière de sommets formée par les Ten Peaks qui entoure le Moraine Lake bleu turquoise, ça vaut le détour même pour les agoraphobes.
Et de bonne heure le matin, il n'y avait finalement pas plus d'une cinquantaine de personnes au point de vue, bien assez vaste pour se partager le panorama.
Après le succès du Moraine Lake on ne s'éternise pas dans le secteur. De retour à Lake Louise, où le grand bazar quotidien se met déjà en place alors que la matinée n'est pas encore très avancée, on se contente de profiter des infrastructures présentes pour remettre rapidement le camping-car au propre : pleins, vidanges...
Puis on met le cap plein nord sur la Icefields Parkway, ou Highway 93, ou « Promenade des Glaciers » : 230 kilomètres de route à travers des paysages de plus en plus spectaculaires jusqu'à Jasper (on change en fait de parc national à mi-parcours environ), un trajet que l'on compte parcourir sans trop se presser en deux jours.
Beaucoup de points d'intérêt potentiels le long de la route, on pourrait presque s'arrêter tous les cinq kilomètres pour un lac, un point de vue sur un glacier, ou un départ de rando.
Herbert Lake, dans lequel se reflètent les sommets autour de Lake Louise...
Et tout ça c'est sans compter un autre genre de points d'intérêt, plus aléatoires ! Le parc de Banff dans des proportions déjà respectables, et surtout celui de Jasper où la faune sauvage est omniprésente, abritent quantité de cervidés (chevreuils, mule deers, wapitis et orignaux), de meutes de loups, d'ours noirs et de grizzlys.
On n'a pas eu longtemps à rouler avant de tomber sur notre deuxième ours noir du voyage, après le gros lourdaud qui était passé très près du capot du côté de la frontière canadienne. Celui-ci, le premier à Banff, semblait nettement plus discipliné...
Les premiers glaciers - la route ne s'appelle pas Icefields Parkway pour rien - apparaissent dans le paysage.
Crowfoot Glacier avec ses trois langues de glace (la plus basse, déjà bien attaquée, ne sera plus là très longtemps avec le réchauffement climatique), au-dessus du Bow Lake...
Peyto Lake, magnifique lac glaciaire à la couleur incroyable depuis le point de vue de Bow Summit.
Facilement accessible en 5 minutes de marche : c'est peu dire qu'on n'y est pas tout seuls...
La traversée de la rivière Saskatchewan...
Ça commence à sentir les grands espaces !
Comme dans tous les parcs nationaux nord-américains par lesquels on est passés et où vadrouillent des big mammals (ours, cerfs, élans, bisons...), quand sur la Icefields Parkway il y a des véhicules arrêtés au loin sur les bas-côtés avec les feux stop allumés, l'excitation grimpe d'un coup dans le camping-car !
C'est neuf fois sur dix qu'un gros bestiau est visible depuis la route (et généralement la dixième fois c'est parce qu'il y a eu un accident consécutif à l'une des neuf premières).
Notre rêve, ça serait un grizzly. Mais pour cette fois-ci c'est encore un black bear...
... et il a pas franchement l'air commode !
D'ailleurs en cherchant un terrain de camping pour la nuit, on est tombés sur ce genre d'avertissement assez explicite !
Justement trouver un spot où poser le camping-car s'avère plus compliqué que prévu, non pas qu'on ait la trouille des ours, mais les quelques campings affichent un panneau full le long de la route. Et bien sûr comme on est dans un parc national, que ce soit Banff ou Jasper, il n'est pas possible d'envisager le camping sauvage : les rangers veillent.
À peu près à mi-parcours sur l'Icefields Parkway, il y a une zone ultra-touristique au pied du champ de glace Columbia, duquel descendent plusieurs glaciers dont celui d'Athabasca, triste théâtre d'excursions en engins motorisés. Avec autour d'immenses parkings, des hôtels, bref une île de béton au milieu des montagnes.
À cet endroit il y aurait bien un simple parking où s'entassent les camping-cars les uns sur les autres (à plus de 15$ quand même, pour rien de plus que 20m² de goudron) qui serait possible pour passer la nuit, mais on n'est définitivement pas venus dans l'Ouest Canadien pour ça...
Du coup on préfère repartir en arrière sur plusieurs dizaines de kilomètres, jusqu'au Rampart Creek campground qui n'était a priori pas encore plein lorsque l'on est passé devant quelques heures plus tôt.
Et c'est un super bon plan : d'une part il est inexplicablement quasi vide, d'autre part il est formidablement bien placé, très en retrait de la route et au bord du bras nord de la rivière Saskatchewan !
En soirée on revient même jusqu'à Saskatchewan Crossing, où l'on s'était arrêté plus tôt dans la journée et qui nous avait paru être un bon spot pour l'observation des animaux (et au pire pour une petite bière face au paysage)...
Rien vu dans la plaine, par contre on a croisé un énième ours noir au bord de la route en revenant au camping, à moins de deux kilomètres de son entrée...
Le feu éloigne les bêtes sauvages !
Mini-Lapinette en mode inquiète : « l'ours il va pas sentir le repas, surtout si c'est des hamburgers au barbecue ? »
Il aura sans doute trouvé mieux, et il devait pas aimer les chamallows non plus !
Et nous on se félicite d'être revenus en arrière pour dénicher cette merveille de camping, bien rempli en toute fin de journée mais peut-être même pas complet (les sites étant très loin les uns des autres, difficile de s'en rendre compte).
Du coup le lendemain on reste profiter encore un peu du coin, la Saskatchewan se prêtant plutôt bien à la balade sur ses berges dans les environs de notre camping de Rampart Creek...
En fait un petit échauffement avant d'aller grimper le col Wilcox, en reprenant la route vers le nord et le Columbia Icefield.
Ce sera nos débuts dans le parc national de Jasper...
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