Après le parc national de Bocawina, puis la parenthèse paradisiaque à Tobacco Caye durant trois jours, on décide de pousser un plus loin vers le sud du Bélize.
En gardant un œil sur le calendrier, car ça fait déjà une semaine que nous sommes au Bélize et l'assurance nationale prise pour le camping-car expire au bout de 15 jours (renseignements pris, il serait possible de la prolonger, dans un bureau du gouvernement comme il y en a dans les villes principales du pays... mais on garde pour le moment ces démarches administratives en dernier recours).
Et plus on s'enfonce vers le sud sur la Hummingbird Highway, depuis Belmopan, plus la route en sens inverse sera longue : c'est un cul-de-sac, qui s'achève à Punta Gorda au bout de 200 kilomètres (la voie est sans issue si l'on possède un véhicule, mais en sac à dos il est possible de rejoindre ensuite le Guatemala ou le Honduras par la mer).
Dans un premier temps, direction le village d'Hopkins, qui s'étend le long d'une immense plage où la mer est calme et limpide en temps normal.
Mais l'alizé bien établi depuis plusieurs jours agite fortement la Mer des Caraïbes - le retour en yole de Tobacco Caye à Dangriga la veille était franchement rock'n roll - et ne nous permet pas de juger la plage d'Hopkins à sa juste valeur...
Après avoir un peu tourné dans le village pour trouver un endroit ou poser le camping-car pour un ou deux jours - quelques restos et bars de plage acceptent les véhicules aménagés sur leur parking moyennant un billet - on se gare devant le
Luba Laruga (« Belikin » c'est la marque de bière du Bélize), face à la mer.
Sur le principe c'est un peu gonflé puisque le gars a ni plus ni moins privatisé le chemin d'accès à la plage qui passe à côté de son petit resto, et fait payer pour passer la nuit à cet endroit.
Mais bon Shanon, en bon Garifuna, il est cool. Et puis pour les modiques 5 dollars béliziens par personne qu'il demande (à peine 4€50 par nuit au total pour nous trois...) on a sa douche et ses toilettes, ainsi que son Wi-Fi, et les transats sur la plage.
En revanche avoir un bar qui sert des
rum punchs à moins de 10 mètres du camping-car peut être dangereux...
D'autant que l'on a rencontré Caro, Nico et leur fille Élise, trio toulousain extrêmement sympa venu toquer à la porte du camping-car. Ils sont en vacances, en impro totale puisqu'ils se retrouvent au Bélize sur un revirement de dernière minute (voyage prevu initialement en Asie du Sud-Est... où le « coronavirus » est déjà en pleine explosion en ce début février).
C'est notre premier constat concret de ce qui n'était jusqu'ici qu'un vague bruit de fond d'épidémie de l'autre côté du globe, quand on prenait des nouvelles du monde de loin en loin.
Les gamines deviennent inséparables en deux minutes, et les parents passent de bons moments autour d'un verre (voire de... hmmm, plusieurs), d'une langouste au resto de Shanon, ou d'une soirée tacos improvisée !
Avec Dangriga un peu plus au nord sur la côte, et Punta Gorda tout au sud du pays, Hopkins est l'une des principales implantations des Garifunas au Bélize.
On l'avait un peu évoqué dans l'article sur le parc de Bocawina et notre passage par Dangriga, les Garifunas sont les descendants du métissage entre les esclaves africains évadés des plantations dans les Antilles et les peuples autochtones de ces îles, les amérindiens Arawaks.
Ils étaient à l'origine présents sur l'île de Saint-Vincent, puis ont été déportés sur une partie du littoral caribéen de l'Amérique Centrale. Les Garifunas ont leur propre langue, défendent âprement leur patrimoine culturel, et Hopkins baigne dans une ambiance caribéenne qui nous est familière : nonchalance, plats colorés, croyances magico-religieuses... et culte des percussions !
Tous les soirs il y a deux activités à considérer à Hopkins : aller faire un tour dans les marais qui bordent l'arrière du village et y chercher les crocodiles présents en nombre... et par soi-même avec une lampe torche, car à notre connaissance il n'y a pas de prestataire qui propose ce genre de virée nocturne !
On a tenté, mais pas non plus poussé très loin cette expérience que l'on sentait moyennement. Et pour le moment, on se contentera d'un cliché du saurien local, pris davantage en sécurité au zoo du Bélize entre Belize City et Belmopan...
L'autre suggestion une fois la nuit tombée, c'est de se poser dans un bar au bord de la plage où des
drummers locaux sortiront à coup sûr les tambours à l'improviste... ou pour des prestations un peu moins spontanées comme au
Driftwood, un autre bar du village qui semble être le rendez-vous des Nord-Américains.
Chez Shanon ce sont les gamins du village qui passent, histoire de se faire une petite pièce.
Et puis un
uncle de la famille vient discuter - grand-oncle a priori, vu son âge ! - et avec nos nouveaux potes Caro et Nico, on a droit à un cours de langue Garifuna animé de pas mal de fous rires dûs à notre prononciation (une scène universelle partout sur le globe quand des étrangers s'essayent au dialecte local !).
On a honteusement oublié le nom de ce papy plein de gentillesse, mais pas « buiti binafi », le salut des Garifunas...
Pour la suite de notre parcours au Bélize, direction Cockscomb Basin en reprenant la route vers le sud.
Une vaste
wildlife preserve de plus de 500 km², soit 20 fois le parc de Bocawina ! Mais seule une infime partie reste accessible, au bout d'une piste cahoteuse d'une dizaine de kilomètres et éprouvants pour le camping-car (heureusement c'était sec), pour rejoindre le poste des rangers à l'entrée de la réserve. Ensuite, il n'y a plus que des sentiers à travers la jungle.
Cockscomb Basin est un sanctuaire sauvage créé, depuis une trentaine d'années, principalement pour protéger les jaguars.
Aucun spécimen n'y a été introduit, c'est au contraire une préservation de leur zone de répartition habituelle, exempte de chasse, de déforestation, avec une présence humaine quasi inexistante.
La population dans la réserve tourne autour de 200 jaguars. Cockscomb Basin se vante - sûrement à raison - d'être la seule réserve au monde dédiée à ces animaux, mais également le lieu de la planète où leur concentration s'avère la plus élevée (et c'est même valable si l'on élargit à toutes les espèces de félins)...
Ils fuient les hommes et avoir la chance d'apercevoir un jaguar, nulle en milieu de journée, reste infime en soirée ou tôt le matin.
Alors tuons le supense tout de suite, nous n'en avons pas vu. Même lors de balades aux heures supposées favorables, en vélo sur la piste où la visibilité est plus dégagée qu'en pleine forêt vierge.
Les rangers questionnés affirment n'en observer même pas un par an...
La piste s'achève à l'entrée du parc de Cockscomb Basin, l'entrée coûte 10 BZ$, valable sans limite de durée une fois sur place.
Là se trouvent plusieurs baraquements pour les gardes de la réserve, des grands bungalows qui abritent quelques chambres dédiées aux touristes et des dortoirs pour les groupes scolaires, des vrais sanitaires, un grand carbet et une cuisine commune, et un
nature center exposant les richesses de la réserve.
Bref des infrastructures d'accueil un peu plus développées qu'à Bocawina (tarif en conséquence : camping - ou lit en chambre double ou en dortoir - sont tarifés 20 BZ$ par nuit et par personne) !
Et pour le camping, une clairière est accessible à notre camping-car en se faufilant - au centimètre - sous les branches basses...
Les campeurs en tente (au nombre de un) peuvent suivre un sentier jusqu'à un autre terrain dégagé un peu plus loin, donc nous sommes seuls.
Seule recommandation des rangers : ne pas s'installer en plein centre de l'aire, car c'est aussi le seul terrain d'atterrissage pour l'hélico des secours.
Complètement entourés par la jungle du cœur du Bélize, ça restera l'un de nos top spots depuis le début du voyage !
Chaque fin d'après-midi, c'est magique : les visiteurs à la journée sont repartis, le calme devient absolu avec simplement les bruits de la forêt.
Et même si le roi de la jungle locale ne se montre pas, pas davantage que les autres félins du parc (ocelots, margays, pumas, jaguarundis...) ou un hypothétique tapir, de nombreux autres animaux peuplent le sanctuaire de Cockscomb Basin : les singes hurleurs qui assurent le gros de l'ambiance, une collection impressionnante de serpents, et du côté des oiseaux les toucans, les perruches et les perroquets, les aras rouges, regagnent tous leurs quartiers pour la nuit à la tombée du jour.
Notre séjour à Cockscomb Basin aura indubitablement boosté nos compétences en ornithologie !
On est dorénavant capable d'identifier un toucan au vol caractéristique qui passerait dans un coin de notre champ de vision, ou à son cri.
Et on a repéré leurs arbres favoris...
Idem pour les araçaris, friands des graines de certains palmiers...
Et on court désormais en terrain dégagé dès que l'on entend au loin le cri strident des
scarlet macaws, les grands aras rouges qui passent toujours à la même heure au-dessus de notre campement, généralement par couples.
Activité sympa à Cockscomb Basin : le
river tubing. Les rangers louent des grosses bouées gonflables renforcées (5 BZ$ pour la journée) pour descendre une rivière proche de l'entrée du parc, qui zigzague tranquillement dans la forêt.
La mise à l'eau en amont s'atteint au bout d'une marche d'une vingtaine de minutes sur un sentier en forêt.
Et après la descente de la rivière en bouée (une petite heure) il faudra remonter jusqu'à l'accueil du parc par un autre chemin, à peu près aussi long mais davantage pentu.
La partie sur la rivière n'est clairement pas la plus sportive !
Mais la recherche d'adrénaline n'est évidemment pas le but : se laisser glisser au fil du courant permet de progresser à travers la jungle sans faire le moindre bruit, et d'approcher plus facilement la faune locale...
Toujours dans l'idée de provoquer la chance d'une rencontre rare, on mise sur les fins de journée pour des balades en vélo le long de la piste d'accès à la réserve...
Les quelques visiteurs venus pour la journée (généralement dans le cadre d'excursions avec des guides d'Hopkins ou de Placencia) repartis depuis longtemps, et même si l'on ne verra pas se profiler la silhouette tant espérée d'un félin au loin, ça reste des moments privilégiés totalement seuls dans un cadre naturel exceptionnel.
On est par contre tombés sur l'épave d'un petit avion perdu dans la forêt tropicale.
Au Bélize (et dans le nord du Guatemala voisin) il n'est pas si rare de trouver des carcasses d'avions abandonnés, ayant servi à usage unique aux trafiquants qui remontent des chargements de cocaïne depuis l'Amérique du Sud pour approvisionner les cartels de drogue au Mexique, avant que la drogue soit acheminée au final jusqu'aux États-Unis.
Mais renseignements pris, ici c'est l'avion d'un scientifique qui étudiait les jaguars et qui a loupé son atterrissage (sur une portion rectiligne de la piste d'accès à la réserve) dans les années 80. Et pour la petite histoire il s'en est sorti indemne, mais la jungle a repris ses droits et il est impossible de découvrir la carlingue sans suivre un petit sentier qui indique « plane wreck »...
Côté sentiers justement, Cockscomb Basin en propose un nombre conséquent !
Le parc est situé sur les contreforts des Maya Mountains, et révèle de somptueux paysages parsemés de cascades.
Pas moins de 15 randos (de la balade d'une heure à la journée complète) sont répertoriées, sans compter les multiples possibilités de boucles diverses.
Et un trek de 3 ou 4 jours pour une traversée de toute la réserve protégée, l'aller-retour jusqu'au sommet du
Victoria Peak, nécessitant un permis spécial et un guide obligatoire, ouvert uniquement en saison sèche de décembre à mai... et déconseillé aux jaguarophobes (ainsi qu'aux reptilophobes, arachnophobes...) !
On en aura au moins fait une infime partie, puisque la
Wari Loop emprunte les tout premiers kilomètres du sentier vers Victoria Peak, avant de reboucler à travers la jungle pour revenir à l'entrée du parc.
La rando la plus fréquentée du parc (allez... peut-être 50 personnes par jour) c'est
Waterfall Trail qui comme son nom l'indique mène à une belle cascade. Avec une petite rallonge optionnelle d'un kilomètre vers un point de vue panoramique,
Ben's Bluff.
Comme il n'y pas trop de dénivelé jusqu'à la cascade qui s'atteint en une petite heure, c'est l'excursion classique des guides avec la plupart de leurs clients, et les bons marcheurs peuvent pousser jusqu'au panorama.
Mais notre top rando à Cockscomb Basin, ce sera
Tiger Fern Waterfall, sur une matinée.
Un départ en forêt...
Puis 200m de dénivelé à grimper pour sortir de la végétation dense et déboucher sur les crêtes, où les fougères et les conifères prennent la place des grands arbres de la jungle et des lianes.
Et redescente au fond de la vallée suivante (150m plus bas et à remonter ensuite) pour découvrir les
double waterfalls de Tiger Fern.
La cascade du bas...
Celle du haut...
Et un magnifique bassin naturel pour la baignade !
On a vraiment adoré le parc de Cockscomb Basin, en particulier pour le camping et le côté extraordinaire de se retrouver seuls en pleine jungle chaque soir.
Encore davantage qu'à Bocawina qui nous avait pourtant emballés, mais le site de camping y était moins privilégié, et la réserve moins étendue en superficie donc peut-être pas aussi riche en animaux.
On aimerait bien rester un peu plus longtemps dans le parc... mais on doit aussi composer avec plusieurs paramètres : la date d'expiration du permis de circuler au Bélize avec le camping-car qui approche, un coût pas négligeable des nuits sur place (40 BZ$ soit un peu moins de 20€), et une météo prévue se dégrader qui pourrait bien transformer la piste d'accès en bourbier compliqué pour nos 6 tonnes.
Alors après une dernière fin d'après-midi poussée au maximum, on reprend la piste pour revenir à Hopkins.
Pas de jaguar à l'horizon malgré la tombée de la nuit, on se contentera des araçaris !
Mais pour voir tous les félins locaux, on fera tout de même un détour par le zoo du Bélize deux jours plus tard (une fois de retour à Belmopan en se rapprochant du Guatemala, il faut revenir en arrière en direction de Belize City, jusqu'au
Tropical Education Center où l'on avait déjà passé notre première nuit bélizienne), autoproclamé « the best little zoo in the world »... et réputé pour être un zoo qui ne ressemble à aucun autre.
C'est un zoo ouvert sur l'extérieur, les vastes enclos se trouvent au milieu de la végétation, et quand on croise un agouti sur le chemin ou que l'on voit un singe dans un arbre, il est difficile de dire s'il fait partie des pensionnaires officiels ou non.
Pour les jaguars pas de doute, ils sont enfermés. Ce sont des individus qui avaient pris l'habitude de s'attaquer au bétail, récupérés blessés ou capturés pour leur éviter un coup de carabine, et qui malheureusement ne peuvent plus être laissés libres.
Un animal vraiment balèze, que retrospectivement on n'aurait peut-être pas été si fiers de croiser au détour d'un sentier de Cockscomb Basin...
Ensuite, direction le Guatemala et le Petén (la région au nord du pays) avec notamment la cité Maya de Tikal !
Mais notre aventure au Bélize ne prend pas fin tout de suite...
À quelques kilomètres de la frontière, une petite route s'écarte de l'axe principal et amène au village de Spanish Lookout, au milieu des champs.
Nous sommes chez les Ménnonites du Bélize, une communauté dont on n'avait jamais entendu parler avant de mettre les pieds dans le pays et de s'interroger sur les quelques carioles tirées par des chevaux le long des routes, occupées par des personnes semblant sortir tout droit d'une autre époque...
Les Ménnonites sont installés dans différents coins du Bélize, mais particulièrement présents dans l'intérieur du pays, à l'Ouest.
Et ils ne vivent pas tous de façon aussi radicale que les Amishs (les deux courants religieux, à la même origine, ont pris des voies légèrement différentes au fil des siècles) : à Spanish Lookout, même si les tenues vestimentaires peuvent surprendre, les gens roulent en voiture et le nombre de garagistes en ville est impressionnant, les mécano-bricolos Ménnonites étant reconnus dans tout le pays, tout comme leurs talents de cultivateurs.
On y arrive un dimanche, le village est totalement désert : toutes les familles se retrouvent au bord du lac pour le repas dominical...
L'idée initiale n'était pas forcément d'y passer une nuit, mais puisque tout est fermé à Spanish Lookout et que l'on tenait à profiter du fabuleux achalandage des magasins chez les Ménnonites (à l'échelle bélizienne certes, mais on peut confirmer que l'on y trouve absolument de tout et à bon prix !), on décide d'attendre le lundi pour reprendre la route vers le Guatemala...
D'autant que le gardien du genre de parc municipal dont fait partie le lac, au bord duquel nous avons posé le camping-car, nous donne son accord pour y rester pour la nuit. Il nous rouvrira les barrières le lendemain à la première heure.
Après ce passage à Spanish Lookout, on s'était prévu une dernière journée au Bélize, en campant au bord de la Mopan River, tout près de la frontière, et en projetant une grosse rando à travers la jungle jusqu'au site Maya de Xunantunich (que l'on peut également rejoindre en prenant un vieux bac sur la rivière à San Jose Succotz, puis par une piste de quelques kilomètres).
Et nous avions repéré un « resort » (en fait des cabanes en bambou à louer sur un grand terrain le long de la rivière) susceptible de nous accueillir avec le camping-car dans un coin de la propriété, pile au niveau des Clarissa Falls.
L'accueil est très sympathique, mais on déchante un peu sur le site après les explications de la proprio...
La baignade promise dans la rivière s'avère délicate avec des zones de courants dangereux à éviter, le sentier envisagé pour rejoindre les ruines Maya est à l'abandon et fortement déconseillé (la proprio nous dit s'y être elle-même égarée), et la connexion internet est hors-service alors que cette fois-ci on en aurait vraiment besoin pour préparer sérieusement notre passage de frontière guatémaltèque.
Alors après quelques heures au camping, on change radicalement nos plans en décidant de tenter une entrée au Guatemala sans perdre de temps, avec le peu d'infos que nous avons, tout en sachant que nous n'en aurons pas davantage en restant ici.
Nous sommes au début de l'après-midi, et on estime pouvoir rejoindre la
laguna de Yaxhá - un lac au bord duquel se trouve une magnifique cité Maya - avant la tombée de la nuit.
50 kilomètres à parcourir après avoir franchi une frontière dont on ignore la complexité, en supposant avoir pu trouver des
quetzals (la monnaie guatémaltèque) sur la route et faire le plein du camping-car, et avec un final sur la piste réputée infernale qui mène à Yaxhá ?
Suspens...
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