On ne pouvait définitivement pas
raconter nos aventures à Ahe sans un petit chapitre sur les mao, les requins polynésiens en général et des Tuamotu en particulier...
Pourtant on pensait y être habitués avant d'arriver, on en croise toujours quelques-uns en plongée et à force on se fait à leurs silhouettes... Mais ici à Ahe, et a priori dans tous les atolls
des Tuamotu, c'est quand même quelque chose !
Ils trainent partout, à commencer par roder en permanence autour de la ferme perlière...
Ça ce sont des
mauri, les requins à pointes noires qui pullulent en Polynésie.
Ceux du lagon mesurent entre 1m et 1m50, ceux du récif côté océan sont un peu plus balaises.
La plupart du temps ils sont trouillards : quand on rencontre un, il s'approche par curiosité, puis fait demi-tour et s'enfuit...
Quand ils sont plusieurs ils sont déjà un peu plus hardis, mais finissent toujours par filer au loin.
Un gag devenu classique à la ferme quand quelqu'un pique une tête depuis le ponton : lui balancer des morceaux d'huîtres ou mieux des restes de poulet tout autour. Spectacle assuré pour peu que
le baigneur ait pris son masque...
Rien de particulier à signaler avec ceux-là, juste une fois avec Fab on est tombés sur un gros
mauri collant à l'extérieur du lagon, côté océan.
Ils nous a tourné autour pendant plusieurs minutes, et revenait ensuite sans arrêt, on a fini par gamberger un peu et plus trop être à l'aise...
Toujours dans les "gentils" et eux aussi archi nombreux dans le lagon et en dehors, les
mamaru, ou requin à pointes blanches.
Ils ont une silhouette particulière, très allongée, et la plupart du temps on les croise vadrouillant sur le fond...
A deux reprises on a chopé un petit
mamaru avec la nasse (sans doute le même), le piège en grillage immergé en permanence à proximité de la ferme et qui nous approvisionne tous les jours
en poissons frais (ou presque !)...
On vous présente à cette occasion Pa'u, le boss du Kamoka.
Pour la petite histoire les requins n'ont pas vraiment bonne réputation culinaire aux Tuamotu !
Outre leur chair au goût plutôt désagréable, il traine dans tous les lagons de Polynésie une toxine avec laquelle il ne faut pas trop rigoler : la cigüaetera. A l'origine elle est contenue dans
une algue, puis ensuite elle se retrouve dans les petits poissons qui broutent ces algues, puis dans les gros poissons qui mangent les petits... de plus en plus concentrée. Au sommet de la
pyramide, les requins du lagon ont toutes les chances d'être toxiques.
Pour les repas, nous on a fait confiance aux gars de la ferme qui choisissaient les poissons supposés bons ou pas (il n'y a pas de signe visible permettant d'identifier un poisson contaminé)...
mais il y a quand même une petite part de loterie, a priori plus réduite en évitant de consommer les parties du poisson proches des viscères. Enfin bon ils avaient tous déjà fait une intoxication
par le passé, voire plusieurs. Outre un état proche du KO pendant quelques jours, la cigüaetera flingue temporairement le système nerveux. D'où un symptôme "marrant", une inversion des sensations
de chaud et de froid...
Bref... Ici on ne mange pas de requin !
Le dernier client qu'on a pas mal croisé, mais - heureusement, sinon on n'aurait pas passer beaucoup de temps dans l'eau - quand même un peu moins que les deux autres, c'est le
raira, le
requin gris.
Ceux-là ne sont absolument pas trouillards, faisant rarement moins d'1m50 ils n'ont de toutes façons pas trop de raisons de l'être...
Jordan, woofer californien fraîchement arrivé au Kamoka, l'apprend assez vite !
Les
raira sont une vraie plaie pour les chasseurs sous-marins de la ferme, Heiarii et Laurent. De temps en temps, pour changer des poissons du lagon piégés dans la nasse, ces deux
zigotos vont faire un coup de
pupui (la chasse sous-marine en tahitien) à la passe pour essayer de flinguer quelques spécimens océaniques, du thon en particulier.
Or dans cette fameuse passe qui est la seule ouverture par laquelle le lagon et l'océan communiquent, c'est rempli de requins...
Le souci majeur des chasseurs c'est donc que si leur cible n'est pas tuée sur le coup en prenant la flèche du fusil en pleine tête, le poisson se débat et alors là les requins qui pullulent
arrivent en masse instantanément, en particulier les
raira, et n'hésitent pas à charger le chasseur pour récupérer la proie. Les gars ont tous des souvenirs de coups de dents dans les
palmes.
La tactique habituelle : sortir de l'eau aussi vite que possible le poisson au bout de la flèche... pendant qu'un collègue surveille sous la surface !
Et puis il y a aussi l'épisode de la bouteille de Coca...
Je crois que c'est Heiarii qui nous en a parlé au départ : les requins sont attirés par le bruit d'une bouteille à moitié remplie d'eau secouée sous la surface. Ca semble émettre les mêmes ondes
sonores qu'un poisson en détresse.
Forcément avec Fab fallait qu'on essaie un truc pareil...
On a tenté le truc un soir après le boulot à la ferme, côté océan évidemment pour que ça soit plus probant...
Au début on a cru que ça ne marchait pas et que Heiarii s'était foutu de notre tête. Aucun requin à l'horizon, c'était même plus calme que d'habitude !
Et puis Fab a dû trouvé la bonne fréquence en faisant rouler la bouteille entre ses mains plutôt qu'en la secouant : d'un seul coup un
raira a surgi du bleu pour nous tourner autour. Fab
a arrêté d'agiter la bouteille, il est reparti aussi vite qu'il était venu.
Evidemment on a recommencé 30 secondes plus tard pour vérifier : là ils ont déboulé directement, et à trois. Fab a laché la bouteille qui est remontée en dandinant vers la surface, un
raira a foncé dessus pour la bouffer, on était morts de rire...
Fab a recommencé le petit jeu une troisième fois depuis la surface, après que les requins soient encore repartis dans les profondeurs, la fois de trop pour les nerfs d'un
raira qui a
resurgi aussitôt du bleu pour lui foncer dessus gueule ouverte, avant heureusement de changer d'avis. Fab était verdâtre !
J'étais en train de filmer mais comme j'ai eu la trouille aussi j'ai bougé dans tous les sens et on voit juste le requin gris arriver comme une flèche sur Fab qui palme comme un taré...
C'est à voir dans le petit film dédié aux requins d'Ahe qu'on a essayé de vous monter ;)
Pour la petite histoire on n'a pas été trop traumatisés moralement puisqu'on a recommencé l'expérience le jour suivant...
Un peu différemment, en accrochant la bouteille au fond et en descendant la secouer brievement à tour de rôle, pour éviter de la garder près de nous sans pouvoir l'empêcher de faire du bruit et
d'exciter les requins. Et l'autre qui reste à la surface pour surveiller les alentours.
Les requins sont arrivés immédiatemment, semblaient un peu chauds, on n'a pas insisté !
Il y a d'autres spécimens de requins bien plus dodus à trainer autour des atolls des Tuamotu et en Polynésie en général...
Les grands requins du large, requin tigre notamment, viennent roder fréquemment aux abords des passes et rentrent même parfois dans les lagons. Les gars de la ferme en ont déjà croisé à plusieurs
reprises, mais à moins de tirer sur un poisson sous son nez - ou d'agiter comme un débile une bouteille d'eau - ils ne semblent pas s'intéresser aux humains...
Il y a aussi pas mal d'histoires d'attaques de requins à Ahe avec des morsures plus ou moins graves, mais elles sont toutes le fait de
raira. Dans tout les cas ça n'est jamais arrivé sur
des gens nageant tranquillement, sans fusil ni bouteille ni planche de surf (un gars s'étant fait bouffer une main récemment en surfant à l'entrée de la passe).
N'annulez pas vos vacances dans les Tuamotu à cause de nous !
Commenter cet article